Diplômée d'un master de Psychologie clinique, j'ai rapidement constaté combien les offres d'emploi étaient limitées dans mon secteur. Même le plus petit temps partiel en CDD au fin fond de l'Ile de France (j'habitais Paris) était pris d'assaut par des professionnels aux multiples formations complémentaires et à l'expérience infiniment plus significative que la mienne.
Je me suis donc inscrite au concours des psychologues de la Protection Judiciaire de la Jeunesse : trois épreuves sur table d'admissibilité (analyse de dossier, psychologie de l'enfant et de l'adolescent, psychologie sociale) et une épreuve orale d'admission. Un concours national, 19 postes à temps plein de fonctionnaire à la clé (Ministère de la Justice).
Admissible après l'épreuve écrite, j'ai préparé l'épreuve orale : dix minutes de présentation, dix minutes de questions, devant un jury composé de quatre personnes. Mon niveau de stress était proportionnel à l'enjeu que constituait pour moi ce concours : j'allais peut-être enfin pouvoir exercer mon métier, auprès d'un public et au sein d'institutions qui me stimulaient tout particulièrement. Mais comment présenter mon projet pour mettre toutes les chances de mon côté ?
Evidemment, j'ai fait quelques recherches… Et bien sûr, je me suis posée ce type de question :
– Comment donner aux membres du jury ce qu'ils attendent ?
– Quelle est l'expérience des personnes qui ont réussi ce concours (et qu'ont-elles raconté aux membres du jury pour le réussir) ?
J'aurais tout donné pour que l'on me fournisse une méthode claire et précise pour me guider dans la préparation de cet oral. Non, en réalité, j'aurais tout donné pour qu'on me mette carrément les mots dans la bouche. Un discours et des réponses toutes faites, que j'aurais consciencieusement appris par coeur, auraient été parfaits.
Alors, j'ai sûrement mal cherché, mais je n'ai pas trouvé de recette. Et j'ai donc dû me débrouiller comme je pouvais. Finalement, j'ai préparé une présentation dont j'étais plutôt fière, et qui me permettait de mettre en avant ce qui était vraiment important pour moi concernant l'exercice de ce métier. Je suis même ressortie enchantée de mon oral : j'avais vraiment eu l'impression que tout s'était très bien passé.
Le résultat ?
Je suis arrivée dix-neuvième. Vu qu'il y avait 19 postes à pourvoir sur toute la France, vous pouvez imaginer combien j'étais ravie. Et instantanément, je me suis dit : si j'ai eu ce concours, c'est évidemment grâce à ma performance à l'oral qui a dû bluffer mes examinateurs !
Quand j'ai reçu mon relevé de notes, j'ai eu immédiatement la confirmation que mon impression était la bonne : j'avais eu 18 à l'oral !
Et puis j'ai regardé les notes que j'avais obtenues à l'écrit…et puis, j'ai regardé de nouveau la note que j'avais obtenue à l'oral…
J'avais bien eu 18…mais sur 40. Donc, 9/20.
J'ai passé de nombreux entretiens de sélection et rédigé divers types de lettre de motivation ces dernières années. Pour des boulots d'été (animatrice et directrice de centre de vacances, restauration, soutien scolaire…), des stages, des formations (Master, Doctorat…), des emplois.
Et puis je me suis retrouvée de l'autre côté, celui du "recruteur" ou du "sélectionneur". J'ai recruté des animateurs quand j'étais directrice de CVL. J'ai participé à des entretiens de sélection d'étudiants lorsque j'étais formatrice en école d'éducateurs. J'ai participé au recrutement de formateurs lorsque j'étais responsable pédagogique. J'ai même participé au recrutement des psychologues de la PJJ. J'ai alors pu prendre conscience des "attentes" de ceux qui doivent nous juger lorsque l'on défend un projet.
Une internaute m'a demandée des conseils pour l'aider à motiver son projet dans le cadre du processus de sélection des étudiants pour une formation. Comment peut-elle se présenter pour mettre toutes les chances de son côté ?
Combler les attentes des examinateurs ou exposer ses motivations ?
Il me semble que lorsque l'on doit exposer ses motivations à un public chargé de nous évaluer, on imagine souvent que la meilleure manière d'atteindre son but (autrement dit, d'être retenu) consiste à dire exactement ce que l'autre aurait envie d'entendre.
On cherche alors par tous les moyens comment se conformer à ces attentes supposées. Voire, on cherche à savoir ce qui a marché pour d'autres, afin de le reproduire à l'identique.
C'est évidemment ce que j'ai fait moi aussi.
Pourtant, lorsque je me suis retrouvée "de l'autre côté", j'attendais au contraire que chaque candidat se démarque et me montre ce qu'il avait de singulier.
"Oui, d'accord, mais si on est complètement à côté de la plaque !" me direz-vous.
Et vous auriez raison. C'est d'ailleurs ce qui m'est arrivé dans l'expérience que j'ai rapportée plus haut. J'étais très fière de ma prestation. Elle n'a pas été du tout du goût de mes examinateurs.
Alors comment faire ?
Lorsque vous cherchez coûte que coûte à suivre une recette, le seul bénéfice que vous en retirez, c'est d'arrêter de réfléchir.
Vous copiez une définition, apprenez par coeur quelques phrases bien senties et ne faites que débiter un discours préformaté. Bien souvent, vos examinateurs ne mettent pas beaucoup de temps à s'en rendre compte. En quelques questions, ils savent comment vous amener vers des sujets sur lesquels vous n'avez pas appris des phrases toutes faites et vous vous retrouvez le bec dans l'eau…
La seule chose à faire (et ce sera bien plus formateur pour vous), c'est d'approfondir véritablement vos motivations : soyez au clair avec vos objectifs et vous saurez les exposer de manière pertinente.
Voici quelques pistes qui j'espère vous aideront à mettre en lien ce que vous êtes avec les projets que vous visez :
Qui êtes-vous ?
Ces différentes questions doivent vous amener à préciser quelles sont vos valeurs (= ce qui est important pour vous) et l'origine des choix que vous avez faits jusqu'à présent.
– D'où venez-vous ? Quel est votre parcours ? Qu'est-ce qui a motivé vos choix ?
Par exemple. Si l'on regarde mon propre parcours, il peut sembler décousu : une année d'hypokhâgne, un DEUG d'Histoire, une Licence de Science politique, un Master de Psychologie, un Doctorat de Sociologie, deux ans à travailler comme psychologue de la PJJ, quatre ans comme formatrice et responsable pédagogique dans une école d'éducateurs et trois ans comme enseignante au sein d'une école d'ingénieurs.
Pourtant, si j'ai intégré une classe préparatoire sans autre projet que celui de faire de longues études, j'ai poursuivi mes études en DEUG d'Histoire parce que l'analyse des enjeux socio-historiques m'intéressait depuis le collège. Progressivement, j'ai réalisé que l'Histoire contemporaine et la sociologie me motivaient davantage que l'Histoire antique ou médiévale. En Licence de science politique, j'ai vraiment investi de manière plus spécifique mes cours de sociologie, tout en ayant envie d'élargir ma compréhension de l'attitude et du comportement au travers de leurs enjeux individuels, d'où mon inscription en psychologie.
– Qu'avez-vous appris, aussi bien au travers de vos échecs que de vos réussites ?
Vous avez nécessairement retiré des enseignements de chacune de vos expériences : comme équipière chez McDonald's, j'ai appris à me confronter aux exigences du monde du travail (ponctualité, rigueur, service…), évidemment, j'ai appris bien d'autres choses dans le cadre de ma thèse de sociologie dont le terrain était cette même entreprise (effets des pratiques managériales, mécanismes de la motivation au travail, etc.), en tant que directrice de centre de vacances, j'ai appris à animer une équipe, à concevoir un projet pédagogique, à respecter des normes de sécurité, etc.
Il n'est pas toujours évident de mettre en valeur ce que l'on a retiré de ses différentes expériences, en particulier quand on a l'impression de ne pas en voir beaucoup. C'est d'ailleurs l'occasion de repérer ce qu'un peu de curiosité et d'ouverture pourrait vous apporter : une pratique sportive ou culturelle, la participation aux activités d'une association, un job étudiant, un stage… Nourrisez-vous d'expériences multiples et variées, cela vous permettra de préciser ce que vous aimez, les activités dans le cadre desquelles vous vous sentez à l'aise ou encore les qualités qui sont les vôtres.
Ayez également à l'esprit que tous vos centres d'intérêts font parties de vos expériences : votre connaissance de l'actualité, vos lectures, les auteurs, artistes, personnalités dont vous connaissez le parcours et les réalisations.
Pour mettre en valeur qui vous êtes, vous avez donc à préciser ce qui vous intéresse (et pourquoi), quels sont les choix que vous avez faits (et pourquoi), quelles sont les expériences auxquelles vous aspirez (et pourquoi).
Par ailleurs, lorsque vous devez motiver votre projet pour accéder à une formation, n'oubliez pas qu'une formation est un moyen et non une fin en soi. Il va donc falloir que vous sachiez ce que cette formation va vous permettre d'atteindre comme objectif ensuite (= exercer un métier, suivre une autre formation, faire un stage…).
Comment alors mettre en lien ce que vous êtes avec la formation, le stage ou l'emploi que vous visez ?
Lorsque vous vous présentez devant un jury, celui-ci s'attend à ce que vous sachiez pourquoi vous êtes devant lui. Vous devez donc avoir fait quelques recherches au préalable.
– Pourquoi cette profession ?
Analyser les caractéristiques de l'emploi que vous visez et demandez-vous si elles vous correspondent : certains emplois demandent de la discrétion, d'autres de savoir travailler en équipe, d'autres encore d'être créatif.
Demandez-vous ensuite si certaines de vos expérience vous ont amené à confirmer que vous étiez intéressé par ces paramètres de l'emploi en question et si vous vous sentiez à l'aise. Par exemple : vous êtes une personne assez sociable, vous aimez aller vers les autres et vous sentez qu'un métier de service va vous permettre d'exploiter ces qualités.
– Savez-vous quelles sont les caractéristiques de la formation, du stage ou de l'emploi que vous visez ?
Formation : durée, contenu, modalités d'évaluation, stages, écrits à rendre, examens…
Stage : public, type de structure, cadre institutionnel (missions), professions représentées au sein de l'équipe, projet institutionnel…
Emploi : culture d'entreprise, résultats, objectifs, histoire, projet…
Il est indispensable de savoir où vous mettez les pieds.
– Pourquoi cette école ?
Il existe toujours plusieurs écoles qui dispensent la même formation. Par contre, chacune a ses spécifités : organisation des locaux, projet d'établissement, modalités d'accompagnement des étudiants, partenariat avec les entreprises…
Avez-vous rassemblé des informations concernant les écoles que vous visez ? Vous êtes-vous rendu aux journées portes ouvertes ? Avez-vous discuté avec des étudiants qui sont déjà dans cette école ou qui suivent la formation en question ?
D'une manière générale, ce qui fait la différence entre les candidats, c'est leur préparation et la réflexion approfondie qu'ils ont menée concernant leurs motivations. Un postulant qui connaît le métier, la formation, l'école ou l'institution aura su préciser les éléments qui le motivent à vouloir l'exercer, la suivre ou l'intégrer.
Peut-être que si j'avais lu quelques livres sur le travail du psychologue auprès de mineurs délinquants, que je m'étais renseigné sur l'histoire de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, que j'avais rencontré une psychologue en poste pour qu'elle me parle de son travail et de ses missions…je n'aurais pas complètement loupé mon oral de sélection.
La meilleure manière de démontrer votre motivation, en particulier si vous n'avez pas beaucoup d'expérience, c'est de savoir très précisément pourquoi vous postulez. Et les arguments vous viendront si vous faites des recherches sérieuses et approfondies.
Ouvrez grands vos yeux et vos oreilles, allez à la recherche des informations et posez-vous les bonnes questions ! Les examinateurs chargés de vous sélectionner ne pourront qu'y être sensibles.
Merci, votre recette est claire, et digne d’une grande psy : vous assurez le respect de la singularité tout en la logeant dans le collectif.merci!
Bonjour Madame Weber,
Je viens de me présenter au concours de psychologue à la pjj et je n'ai pas réussi l'épreuve écrite. Pourriez-vous m'indiquer s'il existe des ouvrages, des cours de préparation au concours de psychologue à la pjj car je ne sais pas exactement le format qu'ils attendent à l'écrit. Je vous remercie d'avance de votre retour,
Bien à vous,
Elena Dragomir
Bonjour,
Si je ne me trompe pas, vous devez répondre à des questions qui portent sur un gros dossier.
Vous devez donc être capable de synthétiser des informations et de répondre à des questions qui portent sur des thématiques en lien avec la transgression, les relations frère-soeur, le traumatisme, la perversion, etc.
Je vous conseille les livres suivants :
Adolescents dans la violence de Pierre Kammerer
Les corridors du quotidien de Paul Fustier
Psychologues de la PJJ de Béquignon
Les textes de Winnicott sur la tendance antisociale
Bonne chance,
Hélène
impressionnant bravo et merci infinimemnt pour ces precieuses infos..moi je ss en train de preparer mon projet pour postuler à l'enseignement paramédical..je ss assistant social de spécialité…9 ans d'experience….au maroc…pourais je avoir des conseils adaptabl à ma situation Madame…merci d'avantage
Bonjour,
Il va falloir que vous fassiez des recherches sur le lieu où vous postulez et que vous précisiez ce qui vous motive à proposer votre candidature. Personne ne pourra le faire à votre place.
Bon courage à vous,
Hélène