Vous ne savez pas ce qu'est le Grand système ? Lisez d'abord ceci.
Bref.
Un jour, je tombe sur le livre de Tony BUZAN Une tête bien faite. Je le lis. Je le trouve bien. Je me dis qu'il faut absolument que j'en parle à mes étudiants.
Ils me répètent à longueur de cours qu'ils doivent mémoriser trop de choses, en trop peu de temps. En maths. En physique. En chimie.
Je réfléchis. Je lis Booster sa mémoire de Tony BUZAN et je me dis qu'il faut que je leur en parle.
J'aime bien Tony BUZAN.
J'explique aux étudiants :
1. Qu'il faut faire des pauses régulièrement quand on apprend.
2. Qu'il faut réactiver ses connaissances régulièrement quand on apprend.
3. Qu'il faut transformer ses connaissances en "images", rechercher les "liens logiques" entre ces images et les "localiser" quand on apprend.
Ils me regardent.
Ils me disent : "ouais d'accord, on va essayer".
Deux mois plus tard, ils me disent qu'ils ont tout oublié.
Je me dis que pour un cours sur la mémoire, c'est vraiment trop bête.
Je reprends Booster sa mémoire. Je le relis. Je le surligne. J'en fais un Powerpoint (l'arme ultime du prof en école d'ingénieur !).
Je me dis que je n'ai pas rendu hommage à Tony BUZAN avec mon cours. Qu'il faut que je persévère.
Je me dis : "il faut que tu ailles plus loin. Attaques-toi au Grand système". Là c'est du lourd.
Je leur explique le principe du Grand système :
1. On transforme les lettres en chiffres et les chiffres en lettres.
2. On associe chaque nombre de 1 à 99 à un mot.
3. On associe chaque mot à une image-clé.
3. On mémorise toutes les correspondances image/nombre.
Ils me regardent.
Ils sont un peu perdus.
Je leur explique que ce n'est pas compliqué, que le chiffre 1 correspond au mot "dé" et que le nombre 38 correspond au mot "mauve".
Ils font des efforts.
Ils veulent bien me faire confiance. Ils ne voient pas où je veux en venir. Ils mémorisent quand même.
Ils me disent : "et maintenant, on fait quoi ?"
Je leur dis qu'il faut utiliser les images-clés pour inventer une histoire : "on imagine, on fait des liens, on localise". Ils s'exécutent.
Ils me disent : "et maintenant, on fait quoi ?"
Je leur dis qu'ils vont mémoriser les décimales du nombre Pi, que c'est génial comme technique, qu'ils vont le faire sans effort et qu'ils pourront me remercier dès qu'ils auront fini.
Ils s'exécutent.
Il y en a un qui demande : "madame, ça va nous servir à quoi de connaître les décimales du nombre Pi ?"
Je réfléchis.
Il insiste : "et qu'est-ce qu'on peut mémoriser d'autre avec le grand système ?"
Je réfléchis.
Il m'interpelle : "madame ?"
Je me dis qu'il faut que je me justifie. Je cherche comment.
Je tente : "vous pourrez mémoriser n'importe quel numéro de téléphone".
Je suis contente de moi. Au moins ça c'est utile.
Il me dit : "et nos cours de maths madame, comment on fait pour s'en souvenir ?"
Je trouve que les étudiants sont énervants. Qu'ils cherchent toujours à chercher ce qui ne va pas dans le cours du prof. Que s'il faut se justifier sans arrêt on n'arrivera jamais à rien et que si maintenant il faut expliquer les choix pédagogiques, on n'en sortira pas.
Avant d'enchaîner avec le groupe suivant, je me dis : "cette technique est vraiment nulle. Quel est l'intérêt de mémoriser des suites de chiffres aléatoires. Qu'est-ce que je vais faire avec le groupe suivant ?"
Le deuxième groupe arrive. Ils ont été brieffés par les autres. Les regards sont méfiants.
Je leur explique que le Grand système c'est génial. Que tout le monde ne parle que de ça. Qu'il va falloir faire des efforts, mais qu'ils seront payants.
Je repars avec mon histoire de chiffres. Qu'ils faut les transformer en lettres. Que les mots donnent des images, qu'ils faut articuler entre elles et localiser.
Ils sont encore plus dubitatifs que les précédents. Je les comprendrais presque.
Mais on ne critique pas Tony BUZAN dans MON cours. Le grand système, c'est génial. Il faut le connaître pour comprendre.
Je décide finalement de revenir sur les fondamentaux : images, associations, localisation.
Je leur parle de l'acide perchlorique (HClO4, chimie).
Ils me regardent.
Ils attendent la suite.
Je crée une "image" sous leurs yeux : "un hydre (H), une piscine (Cl), des masques à oxygène (O)".
J'invente une histoire en live : "un hydre à 5 têtes plonge sa tête centrale dans une piscine de café, les quatre autres sont coiffées d'un masque à oxygène".
Je localise : "mon hydre est rangée près du percolateur de la machine à café, dans la cuisine".
Je les regarde.
Dans les yeux.
Je sais qu'ils sont ébahis d'admiration.
Ils me regardent.
Consternés.
Ils se demandent si je vais finir la semaine.
Un doigt se lève, respectueux.
Je leur explique que je préférerais attendre la fin du cours pour les remerciements.
Le doigt reste en l'air, insistant.
L'étudiant s'autorise de lui-même à intervenir : "pourquoi on peut pas simplement analyser le nom de l'acide ?"
Je le regarde, à dessein, comme s'il avait sorti une énormité : "c'est-à-dire ?"
Presque tous les acides commencent par H (hydrogène). "Per" renvoie au chiffre quatre et "chlori" au chlore. Si on connaît le nombre de liaisons covalentes pour chaque élément, on retrouve facilement la formule de l'acide.
Un autre doigt se lève : "pourquoi il faut retenir des informations en plus de celles qu'on doit déjà savoir ?"
Ils me regardent.
Je les regarde.
Il faut que j'y réfléchisse…
Bref. J'ai essayé de convaincre mes étudiants de mémoriser le Grand système.
A quoi sert véritablement le Grand système et comment l'utiliser pour mémoriser ses cours efficacement ?
Quel est l'intérêt des procédés mnémotechniques et comment fonctionnent-ils ?
Pourquoi mémoriser grâce à des procédés mnémotechniques peut-il s'avérer très facile pour certains et beaucoup plus compliqué pour d'autres ?
En quoi le fait de mémoriser exclusivement à l'aide de procédés mnémotechniques peut-il altérer vos capacités de compréhension d'un contenu et donc jouer contre vous ?
Toutes ces questions trouveront bientôt leurs réponses dans un module de formation en ligne. Abonnez-vous au site pour être les premiers informés.
ps : merci à Kyan Khojandi et Bruno Muschio pour leur excellente série Bref…
Afin que cette formation soit la plus adaptée possible à vos attentes, écrivez un commentaire pour me faire part des questions que vous vous posez sur la mémoire ou des difficultés que vous rencontrez dans la mémorisation de vos cours…
A bientôt,
Hélène Weber
A coeur vaillant rien d'impossible !
Merci C. pour vos encouragements.
Heureusement, il me reste encore pas mal de "vaillance" dans mon coeur.
à bientôt,
Hélène Weber
mdr ! Superbe idée cet article ! 😉
En tout cas, quel humilité ! Ton article montre bien à quel point tu te remets en question pour "servir" tes élèves 🙂
Sinon, c'est vrai que l'on peut se demander si les efforts pour apprendre cette méthode du Grand système sont si profitables que ça… Donc je pense qu'il est indispensable de voir COMMENT on peut l'utiliser dans sa vie.
A bientôt !
PS: cool, le nouveau desgin ! 🙂 C'est plus frais !
Bonjour Nivek,
J’apprécie toujours beaucoup vos commentaires, qui sont à la fois encourageants et argumentés.
Vous ne dites jamais simplement qu’un article vous a plu, vous indiquez également pourquoi et en quoi il vous a touché, interpellé ou fait réfléchir.
Nous avons tous besoin de retours et de reconnaissance concernant ce que nous faisons, même si cela nous conduit souvent à devoir nous remettre en question.
Selon mon expérience, les étudiants sont particulièrement réceptifs, même à mes critiques, s’ils se sentent respectés, reconnus et compris. Ce n’est pas toujours facile pour moi de me centrer sur ce qui les préoccupe, et cela me demande souvent beaucoup d’énergie. Mais cela permet d’instaurer une relation de confiance mutuelle.
Bref. Merci pour votre commentaire.
A bientôt,
Hélène
Bonjour Hélène,
Bravo pour votre livre (objectif mémoire), il est clair et très bien structuré. Je suis un prof de langues modernes à la retraite et je donne bénévolement des cours de méthode à des internes de mon ancienne école. Je souhaite aider mes élèves à mieux mémoriser. J'ai bien saisi l'utilité du "palais de mémoire" à insérer dans une mind-map par exemple. Par contre, pour le "grand système", à part retenir un n° de téléphone, je ne vois pas ce que je pourrais apporter à mes étudiants avec cela. Pourtant j'adore l'idée d'associer des chiffres à des lettres, des mots puis des images et d'en faire ensuite un film déjanté! 😉 Merci de votre aimable réponse.
Bonjour,
Je vous remercie pour votre message.
Le grand système permet de mémoriser des suites de chiffres. A ma connaissance, c’est tout.
Mais je pense que vous pouvez réutiliser le principe de la traduction des informations en images, puis en films déjantés quel que soit le contenu. C’est le principe utilisé lorsque l’on invente une histoire pour associer des informations de manière fantaisiste.
A bientôt,
Hélène