Le monde change, changeons l’orientation

Le 19 mars 2014, j'ai assisté à une journée d'étude organisée par le CEFI sur le thème du projet professionnel et personnel dans les formations d'ingénieurs. A cette occasion, Raymonde Defrenne, vice-présidente de l’association Trouver-Créer, dont le siège est situé à Lyon, a proposé une communication sur le sujet de l'orientation que j'ai trouvée particulièrement inspirante.

Je vous en propose ici une synthèse :

– L'orientation est confrontée à quatre grandes incertitudes

– Trois conceptions différentes de l'orientation

– Les 5 paradoxes du tout processus d'orientation

– Quelques pistes de travail pour redonner le "goût de l'avenir"

 

L’orientation est confrontée à quatre grandes incertitudes 

 

Le monde professionnel, la relation formation-emploi, le processus d’orientation et l’homme contemporain.

 

1.L’incertitude du monde professionnel : les métiers changent de plus en plus vite et sont de moins en moins visibles.

 

Nos représentations du monde professionnel sont très marquées par les métiers du passé (ceux que nous connaissons) et par un déficit de représentations concernant les métiers qui naissent et se développent.

 

Comment orienter, s’informer et informer quand demain ne ressemblera pas à hier et quand nos images du monde professionnel bougent si lentement ?

 

En invitant les individus à mettre à jour leurs intérêts et compétences pour les mettre ensuite en lien avec des pistes de métiers, nous laissons de côté toutes les pistes que la personne ne connaît pas et toutes celles vis-à-vis desquelles elle a des a priori négatifs.

 

  • Plutôt que de demander aux personnes ce qu’elles aimeraient faire, nous pourrions leur demander ce qu’elles connaissent, ce qu’elles ne connaissent pas et ce qu’elles aimeraient découvrir du monde professionnel.

 

Il ne suffit pas d’informer :

  • il faut faire travailler les représentations sociales associées aux métiers et aux secteurs professionnels
  • et développer une culture du monde du travail chez les jeunes, les adultes, mais également chez tous les acteurs de l’orientation.

 

2.L’incertitude de la relation formation-emploi : s’orienter correspond à un processus qui évolue tout au long de la vie.

 

Une étude réalisée en France en 1995 dans la région Rhône Alpes a montré que :

  • pour les jeunes de moins de 35 ans,
  • seulement 15 à 20% occupaient un emploi correspondant à leur dernière formation professionnelle.

 

Un processus d'orientation doit apprendre à s’orienter plus que d’aider au choix d’une orientation.

 

  • Il s’agit d’amener la personne, à partir de la découverte du monde professionnel et du monde de la formation, à envisager différentes pistes qui pourraient lui convenir.
  • Une piste ou une autre sera alors retenue en fonction des opportunités, des circonstances et des possibilités. 

 

3.L’incertitude du processus d’orientation : les chances des uns et des autres ne sont pas identiques en terme d’orientation.

 

Les différences :

  • L’intérêt du professeur principal concernant la question de l’orientation
  • L’information sur les formations et sur l’emploi (plus ou moins accessible)
  • Le financement des dispositifs d’orientation discontinu

 

4.L’incertitude de l’homme contemporain : l’autonomie est devenue « obligatoire ».

 

Autrefois, les individus étaient cadrés par des institutions fortes : religion, famille, Etat, école. Ils suivaient un chemin qui leur était largement tracé.

 

L’orientation était donnée de l’extérieur par les rôles et les statuts qui étaient attribués à chacun.

 

Aujourd’hui, chacun est invité à décider pour lui-même et porte individuellement la responsabilité de son devenir.

 

  • Il s’agit de donner l’occasion aux individus de vivre de nouvelles expériences, et surtout « de les analyser », afin qu'ils développent une image d’eux-mêmes pus riche, variée et sans cesse renouvelée.

 

L’ouverture à l’environnement facilite l’enrichissement des références identitaires, et ainsi la capacité à faire face aux nombreuses décisions qu’une personne est amenée à devoir prendre tout au long de son parcours.

 

Trois conceptions différentes de l’orientation

 

1)L’accompagnement directif

 

Dans le cadre de cette approche, on demandait rarement aux personnes ce qu’elles souhaitaient faire : les nécessités économiques, les traditions familiales ou sociales décidaient le plus souvent à la place des individus.

 

Comment influençons-nous les choix d’orientation en tant que parent ou en tant qu’enseignant ?

 

Le critère des notes reste prédominant à l’école (même s’il ne représente pas fidèlement le potentiel de jeunes qui pour beaucoup sont loin de donner leur maximum au moment de l’adolescence) et celui des nécessités économiques domine concernant l’insertion des demandeurs d’emploi.

 

Problème :

Non seulement les personnes souhaitent de plus en plus avoir leur mot à dire, mais en plus, les solutions proposées ne leur assurent pas forcément la sécurité à court ou moyen terme.

 

2)L’accompagnement centré sur le désir de l’individu

 

Cette approche présuppose que c’est au fond de soi que l’on va trouver ce que l’on souhaite faire.

 

Problème :

Il est impossible de savoir ce que l’on veut quand on ne sait pas ce qui existe.

Il semble particulièrement hasardeux de suivre son désir si l’on risque de ne pas trouver d’emploi.

 

Cette approche a créé beaucoup d’inquiétude et d’insécurité personnelle.

 

Il est nécessaire :

  • d’apprendre à chercher
  • d’apprendre à choisir
  • de savoir qu’un choix n’est jamais définitif

 

3)L’approche éducative, centrée sur l’interaction entre la personne et son environnement

 

Aujourd’hui :

  • ce n’est pas l’environnement qui décide la place que chacun doit occuper (comme dans l’approche directive)
  • ce n’est pas la personne qui décide toute seule à partir de son désir (comme dans la seconde approche)

 

Ce qui est au centre de l’approche éducative de l’orientation, c’est l’interaction entre la personne et son environnement.

 

Il s’agit :

  • de comprendre le monde professionnel
  • de se situer dans la société : que puis-je en attendre ? que puis-je lui apporter ?

 

L’orientation est une affaire de culture.

 

S’interroger sur ce que les personnes apprennent au cours d’un processus d’orientation est aussi essentiel que de ce demander si elles ont fait le « bon choix ».

 

Les 5 paradoxes de tout processus d’orientation

 

Les rêves, le projet, l’adaptation, la liberté, le conseil de l’expert.

 

I.Le paradoxe des rêves

Comment accompagner le processus d’orientation, sans être ni « briseur de rêve » ni « pelleteur de nuages » ?

 

Comment transformer ses rêves en projets d’action ?

 

II.Le paradoxe du projet

 

Comment prendre le risque de faire des projets s’ils risquent de ne pas se réaliser ?

 

III.Le paradoxe de l’adaptation

 

S’adapter, est-ce se plier à la réalité ou plier la réalité ?

 

L’enfant dans son développement, obéit ET n’en fait qu’à sa tête : c’est ainsi qu’il grandit.

 

IV.Le paradoxe de la liberté

 

Une personne a-t-elle le choix ou est-elle le jouet de tout ce qui l’entoure ?

 

V.Le paradoxe du conseil et de l’expert

 

Comment conseiller lorsque l’on ne sait pas de quoi demain sera fait ?

 

Celui qui accompagne le processus d’orientation est avant tout celui qui prépare à la prise en compte de tous ces éléments difficiles à concilier entre eux.

 

Quelques pistes de travail pour redonner le "goût de l’avenir"

 

  1. Favoriser l’ouverture sur l’environnement socio-économique en privilégiant l’expérience
  2. Apprendre à s’orienter plutôt que de faire le « bon choix d’orientation »
  3. S’appuyer sur les paradoxes et accepter de les affronter ensemble
  4. Engager une réflexion éthique sur la démarche d’orientation

 

L’orientation est un espace de tension entre les besoins de la société et les besoins des personnes.  En ce sens, elle révèle des inégalités de toutes sortes.

 

L’orientation :

  • Demande d’analyser des expériences passées
  • Est une expérience en soi
  • Requiert un minimum de durée
  • Requiert des méthodes précises
  • Requiert des accompagnateurs formés

 

Je vous invite à aller faire un tour sur le site de l'association Trouver-Créer, vous y découvrirez des informations particulièrement pertinentes concernant l'orientation, la manière de l'envisager et de la faire vivre pour qu'elle donne du sens aux études que l'on envisage, que l'on suit ou que l'on sera amené à découvrir :

trouver-créer.org

 

 

2 thoughts on “Le monde change, changeons l’orientation”

  1. Merci pour cet article très complet et très clair sur les enjeux de l’orientation aujourd’hui !
    Je retiendrai particulièrement cette phrase « Un processus d’orientation doit apprendre à s’orienter plus que d’aider au choix d’une orientation. » : je suis complètement d’accord !
    Mieux vaut apprendre à se connaître et à être armé pour faire face aux changements futurs qui ne manqueront pas d’arriver.

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