Mon année en Hypokhâgne, partie 4

Si vous ne les avez pas encore lues, voici :

La partie 1

La partie 2

La partie 3

 

J'ai travaillé pendant les vacances pour me payer mon permis de conduire.

Pendant l'été, j'ai multiplié les heures de code en stagnant à 12 fautes…

A la rentrée, j'ai atteint enfin (une fois seulement) le graal des 5 fautes !

Puis j'ai passé mon code dans une grande salle regroupant une quarantaine de candidats.

A la fin de l'épreuve, un par un, chacun a dû se lever devant tout le monde, tendre sa feuille cartonnée à l'examinatrice (il s'agissait d'un carton où nous devions cocher les bonnes cases de manière mécanique…) et attendre le verdict.

Le carton est passé dans une machine.  Le nombre de fautes annoncé à voix haute : "reçu" ou "non reçu".

2 fautes. Je suis reçue. Soulagement.

J'ai ensuite enchaîné les cours de conduite dans mon auto-école de Fontenay sous bois. Et je me suis révélée être une empotée au volant.

Au bout de 20h de cours (l'équivalent du forfait que j'avais payé d'avance), je n'étais pas encore capable d'entrer sereinement sur l'autoroute (bah oui mais c'est pas évident d'accélérer, de regarder dans tous les rétros et de s'engager entre deux voitures !).

Chaque leçon complémentaire d'une heure coûtait 30 euros. Et je devais maintenant revenir de Paris pour les prendre.

Je ne voyais plus qu'une seule de mes amies du lycée (nous étions dans la même classe en Hypokhâgne).

J'occupais le banc des remplaçantes chaque week-end dans mon club de volley.

J'étais la dernière de ma classe sur 59.

On était au milieu du mois d'octobre.

Et si je demandais de l'aide ?

Je suis démoralisée. Je me sens exclue, nulle, bonne à rien.

Et les premières personnes que j'appelle, ce sont mes parents. Ils sont séparés donc je les appelle l'un après l'autre.

Je crois que c'était compliqué pour moi d'appeler mes amis.

Pourquoi ?

Parce que j'habitais à Paris, que j'étais en prépa, que j'étais partie pour les championnats de France et que je passais mon permis. Comment pouvais-je bien me plaindre ?

J'avais tellement eu de chance toutes ces dernières années, est-ce que je ne pouvais pas apprendre un peu l'humilité et apprécier ce que j'avais au lieu de dire que ce n'était pas encore assez ?

J'aime autant dire qu'à l'époque, je ne voyais pas du tout les choses de cette façon. Je me sentais idiote, sans intérêt et dépassée…

Je me souviens encore très précisément de ce que m'ont dit mes parents quand je leur ai raconté mes déboires.

Je crois d'ailleurs avoir bénéficié du fait que cette classe préparatoire, c'est moi qui l'avais voulue. Ce n'était absolument pas une histoire d'aspiration familiale.

Mes parents avaient tous les deux un diplôme de psycho et le prestige des grandes écoles parisiennes ne les émouvaient pas une seule seconde. Mon frère avait choisi d'arrêter ses études après le bac et travaillait comme chef de chantier au Cameroun.

Mes deux grand-mères avaient été couturières, le père de mon père cheminot à la SNCF et celui de ma mère agent de maîtrise.

Pas de pression familiale du côté des grandes écoles. Juste une envie que je fasse des études.

Ma mère m'a d'abord longuement écouté lui raconter toutes les humiliations dont je me sentais victime. Je lui ai bien fait comprendre que j'étais nulle et que tous les autres étaient extraordinairement plus doués que moi.

Comment allais-je pouvoir retourner chaque jour en cours et supporter d'être si mauvaise ?

Elle m'a alors dit la chose suivante : "Bon. Tu as des 1 et des 2. C'est vrai que ce n'est pas beaucoup. Peut-être pourrais-tu te dire que tu vas progresser à ton rythme. Si déjà, au prochain devoir, tu as 4 ou 5, ce sera un sacré progrès."

Vu qu'elle avait pris le temps de m'écouter attentivement, et que je ne me sentais pas jugée, j'ai pu sérieusement prendre en considération le projet qu'elle me proposait.

Il est vrai que je m'étais d'emblée comparée aux étudiantes qui avaient obtenu les meilleurs notes…

Mais comment passer si facilement de 1 à 16 ?

D'autant que je n'avais aucune idée de la méthode à utiliser…

Mais me dire que j'allais viser un 4, ça me semblait dans mes cordes. Je ferais mon maximum et je verrais bien ce qui adviendrait.

Avec mon père, j'ai plutôt insisté sur mes déboires au club de volley.

Et je m'investissais plus que toutes les autres pendant les entraînements. Et j'étais toujours sur le banc des remplaçantes. Et c'était injuste. Et à quoi ça servait de jouer dans ce club si c'était pour faire de la figuration. Etc.

On était encore loin de voir poindre une petite dose d'humilité, mais je me sentais vraiment mise de côté.

Je me sentais isolée et rejetée.

Et voici ce que mon père m'a dit : "Peut-être pourrais-tu penser à toutes les plus grandes équipes de sport collectif qui existent en Europe et dans le Monde".

Je n'aimais pas du tout quand mon père commençait à me parler de cette façon parce que c'était de moi dont je voulais parler, et pas des autres, même s'il s'agissait du plus grand volleyeur de tous les temps.

Il a quand même poursuivi : "Tu sais bien que toutes les équipes ont des remplaçants. La plus grande équipe du monde a ses remplaçants. Ils font partie des meilleurs joueurs du monde et ils attendent tout de même sur le banc pendant les matchs. Peut-être pensent-ils comme toi. Qu'ils ne sont pas jugés à leur mesure. Qu'ils mériteraient de jouer. Et pourtant, chaque match après l'autre, ils doivent patienter et regarder les autres qui sont sur le terrain."

Je commençais à comprendre où il voulait en venir…

"Tu n'es pas seule", m'a-t-il dit. "Tu fais partie de tous ces excellents joueurs qui occupent pour l'instant le banc des remplaçants".

Je crois que c'est ce qui a été le plus important pour moi : ne plus me sentir seule.

Mais quelle est la méthode pour progresser en classe prépa ?

J'avais donc pour projet de passer de 1 à 4 en français, en philo et en histoire.

C'était pour moi un vrai défi.

Mais comment allais-je bien pouvoir m'y prendre ?

La suite dans la partie 5

One thought on “Mon année en Hypokhâgne, partie 4”

  1. J’en suis à la partie 4 de ton en année en hypokhâgne, et ça me touche énormément, c’est tellement émouvant ! Dans la partie 1, tu dis avoir choisi un bac scientifique pour avoir plus de débouchés et de chances de réussir. Penses-tu qu’en ayant opté pour la filière littéraire, cela n’aura rien changé à ton admission en prépa ?
    Je te demande cela car je suis en seconde, j’ai les possibilités d’aller en filière scientifique, mais tout comme toi, je suis beaucoup plus attirée par les langues et la littérature et j’ai du mal à bien choisir l’orientation de ma première.

    Merci d’avance pour tes réponses 🙂

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