J'ai échangé récemment avec une internaute au parcours incroyable, qui a accepté de partager son expérience avec vous. Merci à elle !
J'ai beaucoup "vagabondé" avant de trouver ma voie.
Je viens de l'île de la Réunion. En 2008, je quitte mon île natale pour la première fois pour venir étudier en métropole.
La période de fin 2008 à 2012 a été la plus difficile à vivre: j'étais en froid avec mon père et avec ma famille. En 2009 c'est mon 1er échec au concours de pharma, mon père meurt et des conflits d'intérêt naissent ou plutôt se cristallisent autour de questions d'héritage.
Je n'ai pas le temps de faire mon deuil, il faut que je retourne en métropole tenter le concours pharma une 2nde fois, tout en soutenant ma mère moralement et dans les démarches administratives (ce que je fais donc à distance pour elle, car ma mère comprend très mal le Français, elle est d'origine asiatique).
Il faut également que je sois à l'écoute de mon frère qui s'enferme dans ses jeux vidéo. Le reste de ma famille tente de me soutenir, mais j'ai plus l'impression qu'ils me mettent la pression pour trouver quoi faire après mon 2ème échec en Pharma.
C'est pendant la deuxième année de pharmacie que je découvre votre site, notamment votre article sur la solitude des étudiants. Cela m'a fait l'effet d'une claque car je me reconnaissais dans les témoignages qui étaient donnés. Par la même occasion je me réveillais un peu de la "léthargie" dans laquelle j'étais tombée.
En effet, après 2 ans de concours, je me rends compte que je n’avais aucun intérêt personnel pour cette filière.
J’avais été fortement influencée par ma famille qui voulait que j’étudie Pharma, pour le salaire et la sécurité de l’emploi.
Une fois ma « chance » passée, il fallait que je trouve autre chose, mais quoi ? Je n’avais pas de plan B prévu, je n’avais jamais réellement réfléchi à mon orientation vu qu’au lycée, on ne m’avait pas vraiment donnée le choix.
En effet vu mes capacités, mon manque de confiance et d’estime de moi, j’avais vite fait d’étouffer mes désirs et je m’étais résignée à suivre l’avis de ma famille. Après la mort de mon père, à 9000km de ces derniers, j’étais enfin « libre » de choisir une autre voie que celle qu’ils avaient prévue pour moi.
Cette soudaine liberté ne m’était pas familière et m’angoissait : je n’avais pas de passion, pas d’intérêt particulier.
J’avais abandonné mes rares passe-temps pour me concentrer sur le concours de pharma. Je me sentais « vide » et démunie, et pour combler ce vide je me suis lancée dans des études plus courtes et plus pratiques, dans lesquelles je pensais pouvoir trouver un sens à ma vie/être utile : je passe le concours d’entrée à l’école d’infirmière haut la main.
En deuxième année d’étude je me rends compte que je ne pourrais pas aller plus loin, que ce métier n’est pas fait pour moi. Cette 2ème année d’étude infirmière a été une année éprouvante de remise en question et de recherche désespérée.
Concrètement, je devais choisir entre continuer dans cette voie où l’emploi est assuré mais dont le travail ne m’intéresse pas, et une autre voie totalement inconnue.
Tout ce que je savais, c’est que je cherchais « mieux » pour moi : je voulais « m’épanouir ».
A l’époque ce concept m’était inconnu, en effet je viens d’une famille très « pragmatique » où la réussite/le bonheur dépend surtout du salaire, du titre et du nombre d’année d’étude ; il n’y avait donc pas de place pour d’autres aspirations personnelles.
Peut-être est-ce à cause des origines de ma famille (enfants d’immigrés asiatiques qui ont grandi dans la pauvreté et n’ont pas fait d’études [sauf mon père et un de mes oncles] ayant réussi à la sueur de leur front). Il était de mon « devoir » de « continuer et de représenter leur réussite sociale». Ce qu’ils ne savaient pas c’est que cet « héritage » a été très difficile pour moi à supporter : pour m’en sortir j’ai dû consulter une psychologue pendant 6 mois afin de faire un point sur ma vie.
Fin 2012, je découvre par hasard l’existence d’une « passerelle » proposée pour les étudiants qui souhaitent se réorienter vers un DUT GEA, avec une rentrée décalée en février. L’école dans laquelle j’étudiais commençait également en février. Je suspends ma formation, un mois après je faisais ma rentrée en semestre décalé à l’IUT.
Pourquoi un DUT GEA ?
En fait en parallèle de mes études, après le décès de mon père, on m’avait confié la gestion de plusieurs biens mobiliers et immobiliers (dont mon père s’occupait). J’ai donc appris sur le tas des notions de fiscalités, de finance, de négociation, et d’économie en général. Je prenais un certain plaisir dans ces tâches, cela m’a aiguillé dans mon orientation. J’ai donc choisi d’intégrer ce DUT car ce sont des études courtes et pratiques, qui me permettaient de confirmer si cet intérêt et cette curiosité étaient réels.
Maintenant je suis en licence de Gestion, j’ai des amis et je prends plaisir dans ce que j’étudie. Même si ce n’est pas toujours facile car après ces années « de dépression », j’ai perdu toutes les bonnes habitudes de travail que j’avais acquises avant cette période. Même si je suis avec plaisir les conseils en méthode de travail que vous donnez, j’avoue ne pas le faire régulièrement. Difficile de se défaire de mes mauvaises habitudes.
D'abord, bravo pour ce témoignage très sincère. Il me touche parce que je suis moi aussi en pharma. La 1ère année spécifique à cette filière a disparu et il faut maintenant passer par la 1ère année de médecine (la PACES). La majorité de ma promo a raté médecine de peu (je vais rentrer en 3ème année). La pharmacie d'officine ne motive pas grand monde parce que le chômage y est important pour les adjoints (sans compter les CDD, temps partiel, intérim…) et que les pharmacies sont très chères pour un risque de faillite important. Bref, tout ça pour dire que tu ne rates pas grand chose et que tu as sans doute bien fait de changer d'orientation. Pour ce qui est des "mauvaises habitudes" (de la fainéantise, pour parler franchement), j'en ai pris moi aussi lors de mes deux années de PACES et c'est vrai qu'il n'est pas simple de s'en défaire. J'étais chez mes parents et honnêtement j'aurais préféré être seule, parce que ma mère était mille fois plus stressée que moi. C'était un peu étouffant et je me sentais seule malgré tout.