Etes-vous le/la seul(e) étudiant(e) à expérimenter le sentiment de solitude ?

Il y a plusieurs années, j'ai publié un article sur le thème suivant : Etre étudiant, et se sentir seul…

Je trouve qu'apprivoiser le sentiment de solitude est un enjeu déterminant lorsque l'on débute ses études supérieures, mais également tout au long de la vie chaque fois que l'on doit s'adapter à un nouvel environnement au sein duquel nos repères sont modifiés (déménagement, nouveau boulot, nouvelles rencontres, etc.).

J'aimerais partager avec vous plusieurs témoignages d'étudiants qui m'ont particulièrement touchée, et qui mettent finement en évidence les questions qui se posent au cours de la scolarité lorsqu'il s'agit de trouver sa place et de trouver sa voie.

 

Témoignage n°1

Après le Bac, je me suis dirigée vers des études de droit. Mes parents m’ont légèrement influencé vers cette voie. Les premiers mois ont été difficiles. Au fur et à mesure, ce fut un véritable parcours du combattant pour arriver en classe de TD et en Amphi.


La solitude.

Le trajet pénible à supporter chaque matin et soir, le manque d’intérêt pour les matières abordées. Les comportements déplorables des professeurs à l’égard des élèves et l’atmosphère de rivalité entre les étudiants, furent des facteurs de démission.

De plus, mes notes étaient lamentables. Pourtant je travaillais énormément. Je changeais de méthode quand cela ne fonctionnait pas. J’essayais de me forcer pour ne pas décevoir mes parents. Cependant, j’avais toujours ce malaise en moi.

Un déclic s’est produit quand j’ai demandé des explications sur une de mes copies à ma chargée de TD de droit civil. Après une longue explication, elle m’a dit : « Vous allez redoubler vu vos notes. Mais vous avez énormément de volonté. Alors ne lâchez pas prise si c’est un métier juridique que vous visez »… « Ce n’est pas une honte de redoubler ».


Cela ma fait réfléchir. Le redoublement ne me faisait pas peur, mais je ne me voyais pas travailler dans un domaine juridique.
Bref, j’ai pris du temps à me trouver. 

La peur de se retrouver sans emploi, d’échouer, de décevoir, nous pousse à aller dans des voies qui ne nous sont pas forcément destinées. Je remarque surtout que dans notre société, on a peur du jugement d’autrui. Alors on fait tout pour éviter les réflexions qui blessent. On s’embarque dans des études qui ne nous reflètent pas.

Les futurs étudiants ne sont pas assez suivis. Et cela m’attriste de voir le nombre de réorientations qu’il y a en première année. Cela m’attriste encore plus de voir qu’on ne parle pas de ces étudiants qui deviennent allergiques à l’environnement scolaire au point de ne plus retourner en cours.

PS: J’adore votre blog ! Vos articles nous donnent de l’espoir.

 

Témoignage n°2

J'ai beaucoup "vagabondé" avant de trouver ma voie.

Je viens de l'île de la Réunion. En 2008, je quitte mon île natale pour la première fois pour venir étudier en métropole. 

La période de fin 2008 à 2012 a été la plus difficile à vivre : j'étais en froid avec mon père et avec ma famille. En 2009 c'est mon 1er échec au concours de pharma, mon père meurt et des conflits d'intérêt naissent ou plutôt se cristallisent autour de questions d'héritage. 

Je n'ai pas le temps de faire mon deuil, il faut que je retourne en métropole tenter le concours pharma une 2nde fois, tout en soutenant ma mère, moralement et concernant les démarches administratives (ce que je fais donc à distance pour elle, car ma mère comprend très mal le français, elle est d'origine asiatique).

Il faut également que je sois à l'écoute de mon frère qui s'enferme dans ses jeux vidéo. Le reste de ma famille tente de me soutenir, mais j'ai plus l'impression qu'ils me mettent la pression pour trouver quoi faire après mon 2ème échec en Pharma. 

C'est pendant la deuxième année de pharmacie que je découvre votre site, notamment votre article sur la solitude des étudiants. Cela m'a fait l'effet d'une claque car je me reconnaissais dans les témoignages qui étaient donnés. Par la même occasion je me réveillais un peu de la "léthargie" dans laquelle j'étais tombée.

En effet, après 2 ans de concours, je me rends compte que je n’avais aucun intérêt personnel pour cette filière

J’avais été fortement influencée par ma famille qui voulait que j’étudie Pharma, pour le salaire et la sécurité de l’emploi. 

Une fois ma « chance » passée, il fallait que je trouve autre chose, mais quoi ? Je n’avais pas de plan B prévu, je n’avais jamais réellement réfléchi à mon orientation vu qu’au lycée, on ne m’avait pas vraiment donné le choix.

En effet vu mes capacités, mon manque de confiance et d’estime de moi, j’avais vite fait d’étouffer mes désirs et je m’étais résignée à suivre l’avis de ma famille. Après la mort de mon père, à 9000km de ces derniers, j’étais enfin « libre » de choisir une autre voie que celle qu’ils avaient prévue pour moi.

Cette soudaine liberté ne m’était pas familière et m’angoissait : je n’avais pas de passion, pas d’intérêt particulier. 

J’avais abandonné mes rares passe-temps pour me concentrer sur le concours de pharma. Je me sentais « vide » et démunie, et pour combler ce vide je me suis lancée dans des études plus courtes et plus pratiques, dans lesquelles je pensais pouvoir trouver un sens à ma vie/être utile : je passe le concours d’entrée à l’école d’infirmière haut la main. 

En deuxième année d’étude je me rends compte que je ne pourrais pas aller plus loin, que ce métier n’est pas fait pour moi. Cette 2ème année d’étude infirmière a été une année éprouvante de remise en question et de recherche désespérée.

Concrètement, je devais choisir entre continuer dans cette voie où l’emploi est assuré mais dont le travail ne m’intéresse pas, et une autre voie totalement inconnue.

Tout ce que je savais, c’est que je cherchais « mieux » : je voulais « m’épanouir ». 

A l’époque ce concept m’était inconnu, en effet je viens d’une famille très « pragmatique » où la réussite/le bonheur dépend surtout du salaire, du titre et du nombre d’année d’études ; il n’y avait donc pas de place pour d’autres aspirations personnelles. 

Peut-être est-ce à cause des origines de ma famille (enfants d’immigrés asiatiques qui ont grandi dans la pauvreté et n’ont pas fait d’études [sauf mon père et un de mes oncles] ayant réussi à la sueur de leur front). Je pensais qu'il était de mon « devoir » de « continuer et de représenter leur réussite sociale ». Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que cet « héritage » a été très difficile pour moi à supporter : pour m’en sortir, j’ai dû consulter une psychologue pendant 6 mois afin de faire un point sur ma vie.

Fin 2012, je découvre par hasard l’existence d’une « passerelle » proposée pour les étudiants qui souhaitent se réorienter vers un DUT GEA, avec une rentrée décalée en février. L’école dans laquelle j’étudiais commençait également en février. Je suspends ma formation et un mois après, je faisais ma rentrée en semestre décalé à l’IUT.

Pourquoi un DUT GEA ?

En parallèle de mes études, après le décès de mon père, on m’avait confié la gestion de plusieurs biens mobiliers et immobiliers (dont mon père s’occupait). J’ai donc appris sur le tas des notions de fiscalités, de finance, de négociation, et d’économie en général. Je prenais un certain plaisir dans ces tâches, cela m’a aiguillé dans mon orientation. J’ai donc choisi d’intégrer ce DUT car ce sont des études courtes et pratiques, qui me permettaient de confirmer si cet intérêt et cette curiosité étaient réels.

Maintenant je suis en licence de Gestion, j’ai des amis et je prends plaisir dans ce que j’étudie. Même si ce n’est pas toujours facile car après ces années « de dépression », j’ai perdu toutes les bonnes habitudes de travail que j’avais acquises avant cette période. Même si je suis avec plaisir les conseils en méthode de travail que vous donnez, j’avoue ne pas le faire régulièrement. Difficile de se défaire de mes mauvaises habitudes.

 

Témoignage n°3

Bonjour,
Je suis une étudiante en Communication au Tessin, Suisse.

Je me retrouve parfaitement dans votre article et dans les témoignages. Après avoir commencé Psychologie à l’université de Genève, et m’être rendue compte au fils des mois que je n'étais vraiment pas à l’aise (comme le dit le témoignage de Rita, ambiance lourde, trop de compétition, critiques des profs, pas beaucoup d’entraide entre les étudiants), après avoir fait et rater 4 examens et après une longue dépression, j’ai décidé de recommencer cette année.

Pourtant, m même si j’étudie beaucoup, je n’arrive pas à me lever chaque matin pour aller en cours à causes d’angoisses et crises de paniques. Tout au fond de moi je sais que mon rêve serait de travailler avec des enfants ou des jeunes.
 

Maintenant, pour pas décevoir encore plus ma famille, je vais aller au bout de cette aventure (quelques matières me plaisent tout de même, j’adore le cinéma). Mais je comprends tout à fait les autres étudiants qui ne se sentent pas à leur place, et ça serait bien que le système éducatif revoit ces priorités (pas à tout prix apprendre 4000 pages de livres mais peut être transmettre leur passion autrement).


Je ne nie pas que des écoles « alternatives » existent, mais malheureusement, à ma connaissance, il n'y en a pas pour des « adultes » (et donc ceux qui ont le plus besoin d’aide et de cadre) mais que pour des enfants en difficulté.


Or, comme le souligne « Estatestudent », il existe, aux Etats Unis par exemple, des écoles où justement on fait place à la créativité et au désir du jeune et non au besoin de l’enseignant qui doit absolument finir sa matière avant telle date et tant pis pour les autres juste par convention et pression sociale.

 

Témoignage n°4

Bonjour,

Au risque de répéter les remerciements des autres visiteurs de votre site, je tenais absolument à vous remercier pour cette bouffée d’air que cet article (et quelques autres) m’a offert aujourd’hui. 

Je suis une toute nouvelle étudiante dans une université de Toulouse depuis septembre. Cette ville est l’endroit où j’ai toujours vécu, je viens de la banlieue, mais je connais du monde, et ma famille est proche, c’est une chance! Pourtant je vis seule, et j’ai aussi dû m’adapter à l’université. Quel bonheur de trouver vos articles qui parlent de vos propres expériences, ou même de ce que vous vous efforcez de mettre en œuvre! 

J’ai toujours pensé que permettre aux étudiants de s’exprimer, de parler de leurs expériences et de réussir à comprendre leurs points forts et leur manière de fonctionner était quelque chose d’essentiel dans les études. Pourtant bien peu de formations offrent cette possibilité, et dans le peu de cours de « soutien » auxquels j’ai assisté, aucun ne créait une vraie confiance entre le professeur ou l’intervenant, et les étudiants. 

En rentrant à l’université cette année, j’ai exactement ressenti l’impression d’être « seule dans la masse » comme vous le décrivez dans un autre article. De même, les cours sont donnés de façon tellement impersonnelle qu’il est extrêmement difficile de rencontrer du monde, surtout les premiers jours!

C’est pour cela que j’admire votre volonté d’aider les étudiants, de les faire se connaître dès les premiers cours en organisant des jeux, de les pousser à parler de leur vie quotidienne et à s’aider les uns les autres. J’aimerai énormément que ces dispositif existent dans mon université (et bien évidemment dans tout les établissements scolaires en général!).


Il est vrai que l’on ne sait parfois pas vers qui se tourner : parfois on ose peu parler à nos parents de peur qu’ils s’inquiètent, on ne sait pas comment régler certains problèmes administratifs qui restent des mystères pendant souvent plusieurs semaines….

J’ai parfois eu aussi l’impression d’être un agneau apeuré qui ne sait pas vers qui se tourner, la société et le système n’aident pas trop à découvrir le monde administratif, ou les tâches de la vie quotidienne : comment s’adresser à sa banque, comment déposer un chèque, comment….plein de choses!

Parfois on se sent honteux aussi, de ne pas connaître des choses qui semblent si évidentes aux adultes plus « rodés » par la vie… Au début cela demande du courage, on doit se battre pour réussir à se faire une place, à prendre de nouvelles habitudes…. C’est très formateur, on grandit plus que jamais, mais c’est très difficile. 

Je prévois de me réorienter pour l’année prochaine, car je ne me sens pas épanouie dans les études que j’ai choisies. On dit qu’il faut suivre ses rêves, je prévois donc d’en accomplir au moins quelques-uns. Pour cela, il faudra que je parte, sûrement dans une des très grandes villes de France. La solitude va encore frapper, mais grâce à cette année d’essai, je sais à quoi m’attendre, et je découvre peu à peu ce qu’il faudra que je mette en œuvre pour m’intégrer au mieux! Votre site met un peu de baume au coeur…

Je vous remercie,
Bon courage dans votre tâche, elle apportera beaucoup de bonheur et d’aide à la plupart des étudiants, soyez-en persuadée.


Je voulais également partager avec vous cette vidéo de "Solange te parle". Je trouve qu'elle aborde la question du sentiment de solitude, et cette difficulté d'aller vers les autres, que beaucoup d'entre nous ressontons lorsque nous intégrons un nouvel environnement (de nouvelles études, un nouvel établissement scolaire, un nouveau boulot, un nouveau groupe d'amis…). Si vous souhaitez lire d'autres témoignages sur ce thème, lisez mon article intitulé Etre étudiant, et se sentir seul…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.