La semaine dernière, Laetitia a déposé un commentaire sous mon article "Comment travailler lorsque l'on est de profil pédagogique kinesthésique". Cette maman de trois enfants expliquait combien le système éducatif avait mis sa fille en difficulté, et surtout comment elle avait mené de nombreuses recherches et expérimentations pour aider sa fille à mieux comprendre ses difficultés et à trouver comment s'adapter.
Je suis convaincue que le témoignage de Laetitia et l'expérience de sa fille peuvent aider d'autres personnes confrontées aux mêmes difficultés, c'est la raison pour laquelle je lui ai proposé de répondre à quelques questions complémentaires (interview ci-dessous).
D'une manière générale, ceux parmi nous qui ont besoin de bouger, toucher, expérimenter et parler pour apprendre sont plus ou moins mis à mal au cours de leur scolarité (lorsqu'elle est suivie dans un environnement classique). Les écoles de type Freinet, Montessori, Steiner, etc., font une place significative "au corps" dans l'apprentissage et permettent bien mieux d'intégrer tous les styles d'apprentissage dans la classe (j'écrirai prochainement un article sur toutes les initiatives épatantes qui s'inspirent des apports de ces différents pédagogues).
Comment exploiter ses ressources (car nous en avons tous !) dans un environnement qui ne nous est pas adapté ?
Comment envisager des manières d'enseigner qui prennent davantage en compte les différents profils de nos apprenants ? Comment les aider à mobiliser leurs talents pour trouver leur place à l'école ?
Ces différentes questions m'ont fait faire une lien avec une conférence donnée par Ken Robinson concernant l'éducation. Il y questionne notamment ce fameux diagnostic de "trouble de l'attention" en montrant combien il est socialement déterminé.
Je vous invite à (re)découvrir la conférence de Ken Robinson, ainsi que le témoignage de Laetitia, et à partager vos réactions et expériences dans le cadre des commentaires.
A bientôt,
Hélène
Je suis la maman de 3 enfants.
Mon aînée a 11 ans aujourd'hui. Elle est très clairement kinesthésique. En maternelle, elle se mettait déjà la pression pour effectuer certain travaux et elle manquait de confiance en elle.
Avec de la discussion, on arrivait à la rassurer.
Au CP et CE1, pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, pas de problème. Elle est très rapide, a une bonne compréhension des règles, mais ne comprend pas bien les consignes, n'applique pas ses connaissances lorsqu'elle en a besoin.
1 ère conclusion de la maitresse et des parents : manque d'autonomie, manque de maturité, mais rien d'alarmant.
CE2 : changement d'habitation, changement d'école. Dès le 1er trimestre convocation des parents et mise en garde de la maîtresse : manque de travail, manque d'implication, mais socialement, très bonne adaptation.
Du coup, pour éliminer toute critique de ce genre, je m'assure personnellement que le travail est fait correctement à la maison. (J’avais relâché mon attention du fait des travaux dans la nouvelle habitation).
Résultat : légère amélioration, mais les résultats restent moyens.
Remise en question de mon comportement et de mes attentes. Je décide de tout faire pour qu'elle retrouve confiance en elle.
3 ème trimestre : résultats satisfaisants.
CM1-CM2, beaucoup de travail, pour des résultats moyens. De nouveau, étiquette "manque de travail, manque d'implication".
Je fais part du manque de confiance en elle de ma fille et affirme qu'il n’y a pas de manque de travail (au contraire) donc beaucoup de découragement. Pas très bien compris par la maitresse.
Du coup, je décide de prendre rendez-vous avec une orthophoniste dès le CM1, mais je n'obtiens qu'un rendez-vous en fin d'année malgré l'urgence.
Résultat du bilan : enfant dysorthographique et légère dyslexie.
Je suis vraiment très surprise du résultat et je me renseigne le plus possible pour pouvoir l'aider.
CM2 : ma fille garde la même maîtresse. Je fais part du bilan à la maitresse et ma fille reprend confiance en elle car elle peut mettre des mots sur ses difficultés.
La maîtresse change également son comportement et fait tout pour la mettre en confiance.
Du coup malgré ses difficultés, ma fille retrouve de la motivation et il en faut beaucoup car elle doit travailler plus que les autres pour arriver à des résultats moyens.
Elle fait quelque séance d'orthophonie, sans amélioration. Pas de stratégie qui lui convienne. Je m'aperçois en l'aidant au quotidien qu'elle ne mémorise pas le visuel, alors je pense qu'elle est auditive car je n'avais jamais entendu parler de kinesthésie.
Tout ça pour dire que j'ai mis une énergie et un temps fous à trouver des stratégies pour les "dys" avant de pouvoir comprendre son mode de fonctionnement.
Les informations qui m'ont aidée, je les ai trouvées sur des sites qui expliquent le fonctionnement sur les "neuro droitiers" qui m'ont permis de mieux la comprendre, puis sur les "zèbres" et enfin ce mot qui reprend toute ces étiquettes "KINESTHESIQUE".
Aujourd'hui ma fille est en 6ème. Elle s'y sent beaucoup mieux, car elle bouge un peu plus, à chaque changement de matière. (Confiance + motivation + connaissance de son fonctionnement = Félicitations au 1 er trimestre avec 14 de moyenne générale).
Elle est enfin récompensée pour ses efforts et moi aussi car je suis bien sûr passée par des stades ou je me décourageais.
Cette aventure m'a permis également de mieux me connaître car "les chiens ne font pas des chats".
Je suis également KINESTHESIQUE.
Je suis consciente de la longueur de mon texte, mais j’avais envie de donner de l'espoir à toutes les personnes qui ne se croient pas intelligentes.
Il est vrai que les KINESTHESIQUES ont une intelligence émotionnelle très développée, d'où la mémoire des émotions. Ils ont tendance à très vite s'approprier les angoisses de tous leur entourage.
Pour se défaire des émotions négatives, il faut comprendre rapidement qu’on n’est pas responsables des souffrances des autres et que on ne doit pas culpabiliser si on ne peut pas soulager leurs angoisses. Merci à toutes les personnes qui nous font profiter de leur stratégie ça nous fait gagner beaucoup de temps.
A la suite de son commentaire, j'ai sollicité Laetitia pour lui demander l'autorisation de diffuser son témoignage. J'en ai profité pour lui poser d'autres questions :
Comment avez-vous découvert que votre enfant avait une intelligence essentiellement kinesthésique ?
J'ai découvert l'intelligence kinesthésique sur le site apprendreaapprendre.com
Dans un premier temps, puis je me suis intéressée aux 8 intelligences multiples (Howard Gardner).
Depuis petite, ma fille est très vive, très rapide dans ses mouvements, impulsive dans ses gestes, souvent maladroite car elle agit avant de savoir ce qu'on attend d'elle.
Elle adore toute les activités manuelles et le sport particulièrement. Elle adore créer, ressentir des émotions positives.
C'est même plus qu'adorer : elle a besoin de passer par ces activités pour comprendre, apprendre, s'exprimer.
Quelles sont les difficultés spécifiques qu’elle a pu rencontrer au cours de ses années de maternelle et primaire ?
La première difficulté, de mon point de vue, est qu'elle avait beaucoup de mal à comprendre ce qu'on attendait d'elle. Elle avait également des difficultés avec le soin.
Mon fils, qui se trouve en ce1 actuellement, a les mêmes difficultés. La maîtresse pense qu'il n' a pas le goût de l'effort et qu' il se décourage trop vite.
En effet, il se décourage vite car il aimerait pouvoir satisfaire les désirs de la maîtresse, mais il n'y arrive pas. Il perçoit très bien les émotions de sa maîtresse.
Du coup, le premier travail à faire avec lui (et que j'ai fait avec ma fille), c'est de l'encourager, de le valoriser et de tout faire pour qu'il garde confiance en lui.
Ensuite, je dois réussir à lui faire comprendre que son objectif ne doit pas être de nous faire plaisir (parent + enseignant), mais de prendre du recul concernant le message émotionnel qu'il perçoit plus vite que le discours lui méme.
En gros, je dois déplacer sa motivation première qui est de nous faire plaisir sur une motivation intrinsèque, où c'est lui qui a envie de faire, pour lui-même.
Pour cela, je suppose qu'il faut tenir compte de ses préferences intellectuelles et en parallèle lui donner goût aux autres domaines que sa préference. Il est évident que pour apprendre il faut qu'il s'amuse. Lorsqu'il grandira, je suppose que petit à petit sa motivation ne sera plus de s'amuser mais d'obtenir des diplomes et de préparer son avenir. Je pense que plus il s'amusera à l'école primaire plus sa motivation grandira.
Vous avez effectué beaucoup de recherches pour comprendre les difficultés rencontrées par votre fille. Vous avez en particulier découvert que nous n'investissions pas tous de la même façon les fonctionnalités assurées par les deux hémisphères du cerveau. Pourriez-vous nous en parler ?
Je pense qu'il existe une préference hémisphèrique en plus des 8 préferences intellectuelles (Howard Gardner). Ainsi 2 personnes kynesthésiques utilisent de préference leurs corps pour perçevoir, mais peuvent traiter l'information de manière différente, se faire une idée séquentielle ou globale, ce qui implique une compréhension différente.
L'idéal est de jongler avec les fonctions prises en charge par les deux hémisphères cérébraux pour avoir la compréhension la plus proche possible de la vérité. Seulement dans le cas de ma fille, c'est un exercice difficile. C'est pourquoi, elle rencontre des difficultés pour s'exprimer avec précision et pour récolter des informations dans le détail.
En resumé, si elle ne peut pas bouger ou participer activement et si on lui demande d'être précise, elle aura une motivation faible et aura besoin qu'on l'encourage davantage pour fournir l'effort nécessaire afin de réaliser ce qu'on attend d'elle.
Pour exemple, elle s'interesse au fond mais pas du tout à la forme alors qu'il faut les deux pour qu'un travail soit réussi.
Pourquoi pensez-vous que les difficultés de votre fille se sont atténuées au moment de son entrée au collège ?
Elle était motivée par la découverte d'une nouvelle école, avait beaucoup plus confiance en elle et en moi.
Elle se sent plus libre de ses mouvements et se déplace plus souvent dans la journée.
Comme elle a plus confiance en elle, elle participe beaucoup plus. Les enseignants étaient au courant qu'elle avait des difficultés, donc ils ont aussi adapté leurs attentes et leurs exigences.
Elle n'a jamais eu de commentaire dévalorisant comme " tu manques de travail" ou "tu manques de volonté" contrairement à la primaire.
Sa motivation varie selon la matière et les professeurs. Elle a toujours besoin que je l'encourage et que je lui montre toute la croyance que j'ai en ses capacités.
Quelles techniques de travail concrètes a-t-elle utilisées (seule et/ou avec vous) pour apprendre dans un cadre qui ne lui était pas adapté ?
Cartes mentale au début, mais comme elle a des difficultés à savoir quelles sont les informations importantes, c'est moi qui les faisaient car elle touvait que c'etait trop dur. Du coup pas assez amusant.
Je viens de découvrir les lapbooks, ça sera plus amusant pour elle.
Je l'ai inscrite au théatre, je lui donne beaucoup plus de responsabilités à la maison comme cuisiner, aller chercher son frêre à l'école …. Ca la valorise.
J'ai surtout répondu au besoin qu'elle avait de s'amuser. De mon côté, je fais très attention aux messages émotionnels que j'envoie.
Mais maintenant, elle sait que ce sont mes angoisses qu'elle perçoit parfois et que cela n'a rien avoir avec ses capacités intellectuelles. Il me faut beaucoup de patience … et d'énergie….!
Il y a des matières qui répondent moins à ses préferences donc qui lui demande beaucoup d'effort, elle se fatigue vite, se décourage vite.
Quels conseils donneriez-vous aux parents dans le même cas que vous ?
Valoriser, encourager, s'amuser, être à l'ecoute sans porter de jugement et faire un gros travail sur la compréhension de ses propres émotions.
Comment les enseignants peuvent-ils aider au mieux les élèves dans la même situation que votre fille ?
Ne pas porter de jugement, valoriser les efforts de chacun.
Sans confiance, pas de participation active.
Lorsque ma fille ne peut pas bouger, il faut qu'elle puisse discuter et poser des questions à ses camarades. Sinon elle ne sera pas attentive et elle va très très vite se fatiguer.
Il faut aussi comprendre comment l'enfant apprend, car cela explique comment l'enfant récolte les informations puis les perçoit pour ensuite s'exprimer.
Encore une fois, il existe des modes de fonctionnement très differents. Sur ce point, je ne peux pas du tout influencer ma fille, je dois adapter tous ses cours à cette contrainte.
Merci à vous deux pour ce témoignage et cette interview…. c'est exactement ce que je constate avec mes petits patients qui ont bien du mal à écrire…. ils sont souvent neuro-droitiers et hypersensibles, avec une intelligence rapide et très impulsifs… bref, ce n'est pas facile d'écrire avec tout ça ! avec beaucoup de bienveillance, de patience et d'explications simples mais claires, des exercices adaptés à leur mode de fonctionnement, on restaure l'estime de soi et cela permet de mobiliser toutes les compétences. il y aurait tant à dire sur les jugements arbitraires et trop rapides d'un environnement pas toujours bienveillant ! bonne continuation à vous toutes.
Le témoignage de Laetitia me fait penser à un livre écrit par une enseignante elle-même kinesthésique : " Et si la réponse se trouvait au plafond '" par Chantal Wyseur.
voici le résumé trouvé sur la fnac:
« Tous les jours, je rencontre des enfants intelligents qui ne lisent pas, mais qui devinent ; des adolescents qui étudient par cœur sans comprendre ; des adultes qui se croient limités intellectuellement. Leur point commun ? Ils apprennent en touchant et en bougeant, et ils pensent en films.» Ce que les méthodes pédagogiques classiques, étudiées pour les penseurs en mots, ne leur ont pas permis de faire. C’est pour eux que Chantal Wyseur a mis au point son système 1-2-3. Au fil de sa pratique, elle a pu en effet constater que les difficultés d’apprentissage pouvaient disparaître quand on réintroduisait au préalable une étape, cruciale pour les kinesthésiques : celle de la troisième dimension, où l’on met les mots en contexte, pour qu’ils puissent prendre leur sens. Car si l’école utilise principalement la parole et l’image fixe en deux dimensions pour enseigner, les penseurs en films ont un fonctionnement différent et ont besoin d’outils concrets pour apprendre. Et si la réponse se trouvait au plafond ? Si l’on y projetait mentalement ses propres films, pour rendre vivantes les représentations du réel imprimées sur papier ? Reprenant pas à pas les fondamentaux scolaires, ce livre pratique illustré, sérieux mais sans prétention scientifique, est conçu pour être utilisé sans intermédiaire à partir de 13 ans. Il aidera utilement les enseignants, les parents d’élèves en difficultés et les enfants directement, ainsi que les autodidactes qui souhaitent corriger leurs mauvaises méthodes.
Je n'ai pas lu le livre, mais j'ai vraiment été très intéressée par sa présentation dans une émission à la radio.
Bonjour,
Merci beaucoup pour cette référence. Je viens de commander ce livre qui me paraît effectivement très inétressant.
Merci,
Hélène
Vraiment intéressant et répondant à nos questions *.* Question non posé mais pensé je suis comme elle unpeu :'(