En 1992, Pierre Bourdieu et Patrick Champagne ont publié dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales un article intitulé "Les exclus de l'intérieur".
Le titre a de quoi intriguer. Comment pourrait-on être à la fois dedans et dehors ?
C'est pourtant ce que ressentent beaucoup d'élèves et d'étudiants victimes d'échec scolaire…
Ils sont dans la classe. Ils doivent venir en cours chaque matin et rendre leurs devoirs. Ils passent les examens, espèrent parfois accéder grâce à leurs diplômes à une place légitimement attendue "dans le système", et pourtant, ils sont (et se savent bien souvent) en sursis.
Pourquoi ceux qui travaillent dur se leurrent ?
Pourquoi ceux qui sont en échec sont si persuadés qu'ils n'ont de toute façon aucun avenir ?
Pourquoi un tableau si noir ?
C'est ce que Bourdieu et Champagne se proposent d'analyser dans cet article.
Le lycée d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier
"D'un côté les établissements de fortune que l'on a multipliés à la hâte dans les banlieues déshéritées pour accueillir des populations d'élèves toujours plus nombreux et plus démunis culturellement et qui n'ont plus grand chose à voir avec le lycée tel qu'il s'est perpétué jusqu'aux années 50; de l'autre, les établissements préservés, où les lycéens de bonne famille peuvent encore mener aujourd'hui une vie scolaire qui n'est pas radicalement différente de celle qu'ont connu leurs pères ou leurs grands-pères" (extrait de l'article).
Comme je l'évoquais en racontant mon expérience en hypokhâgne au lycée Fénelon à Paris, tous les lycées ne se valent pas.
Mon lycée de banlieue m'a préparé pour le baccalauréat, pas pour la classe préparatoire.
Lorsque j'arrive dans le 6e arrondissement de Paris, je suis en cours avec une population d'étudiants qui se préparent depuis plusieurs années déjà à intégrer l'école normale supérieure.
Les cours particuliers ont succédé aux voyages à l'étranger pour parfaire le niveau en langues étrangères et assimiler à l'avance le programme du concours.
J'avais un prof en cursus de sociologie qui disait que pour intégrer certaines grandes écoles, il fallait intégrer le bon établissement dès la classe maternelle.
Dans les filières littéraires tout particulièrement, c'est en-dehors des cours que la majeure partie de "ce qu'il y a à savoir" s'acquière.
Les parents sont les premiers vecteurs de ce capital culturel indispensable : à quelle exposition conduisent-ils leur progéniture le week-end ? Quels renseignements ont-ils pris pour connaître la meilleure filière, l'option la plus rentable, le prof le plus compétent ?
La carrère scolaire de certains élèves est hautement supervisée.
En première année d'études supérieures, soucieuse de mettre en peu de beurre dans les épinards, j'ai déposé dans une boulangerie de mon quartier une annonce pour dispenser des cours de mathématiques.
Par qui ai-je été sollicitée ?
Par un notable habitant un magnifique (et gigantesque) appartement boulevard Montparnasse qui souhaitait faire prendre des cours de maths à sa fille qui était en 3e.
Rencontrait-elle des difficultés ? Avait-elle du mal à apprendre ?
Absolument pas.
Elle était même première de sa classe.
Pendant plusieurs semaines, je lui ai enseigné le programme de seconde. Son père voulait qu'elle intègre le lycée Louis le Grand. Pour être au niveau, il fallait qu'elle prenne de l'avance.
Quelles similitudes entre moi et les élèves en échec scolaire des lycées de ZEP de l'académie de Créteil ?
Je n'avais pas le bagage culturel requis pour évoluer sereinement en classe préparatoire littéraire dans un grand lycée parisien. Je n'étais pas préparée pour ça. Mes parents et mon entourage n'avaient aucune idée des normes à respecter, des stratégies à suivre ou des moyens à mobiliser pour se faire sa place dans ce milieu.
Le fossé est le même (tout en étant davantage préjudiciable encore) pour les élèves "démunis culturellement" en banlieue vis-à-vis de leurs camarades issus des classes moyennes.
Issue de la classe moyenne moi-même, je faisais figure de "privilégiée culturelle" dans mon lycée du Val de Marne, alors que j'étais mise au rebus au centre de Paris.
L'élimination sur la base du "mérite"
"Jusqu'à la fin des années 50, les institutions d'enseignement secondaire ont connu une très grande stabilité fondée sur l'élimination précoce et brutale (au moment de l'entrée en 6e) des enfants des familles culturellement défavorisées" (extrait).
Les notes obtenues semblent attester que certains ne seraient pas faits pour l'école.
On ne se préoccupe pas alors des différences sociales (niveau de vie, connaissances du système scolaire, capital culturel…) qui déterminent pour une part essentielle la réussite des élèves.
Tout se passe comme si les résultats et la réussite reposaient exclusivement sur les dons et les mérites de certains.
Les élèves "éliminés" en cours de route sont alors convaincus que l'école n'est pas faite pour eux, tout comme les positions sociales privilégiées auxquelles elle permet d'accéder.
Les recherches en sociologie menées par Bourdieu dévoilent cependant peu à peu le leurre que constitue ce type d'analyse.
"L'échec scolaire n'est plus, ou plus seulement, imputable aux déficiences personnelles, c'est-à-dire naturelles, des exclus. La logique de la responsabilité collective tend ainsi peu à peu à suppplanter dans les esprits celle de la responsabilité individuelle" (extrait).
Le collège unique et le maintien dans le système scolaire jusqu'à 16 ans diversifient le public qui accède aux études secondaires, puis supérieures.
Les études montrent cependant une homologie entre l'origine sociale des élèves et leur niveau scolaire.
Encore aujourd'hui, la proportion d'enfants d'ouvriers entrant à l'université est par exemple bien inférieure à leur proportion dans la société globale.
Les chances de faire des études supérieures (et encore plus d'accéder aux écoles les plus prestigieuses) sont ainsi particulièrement influencées par le statut social des parents.
C'est donc au niveau politique que le débat est porté : comment rééquilibrer les chances de tous et rectifer cette injustice patente ?
Il ne s'agit plus seulement de reprocher au mauvais élève "sa mauvaise volonté" ou "son absence de mérite", mais aussi de le considérer comme une victime de sa condition.
On est tout de même bien loin de ce que j'ai pour ma part vécu en hypokhâgne.
Si j'étais "ignorante", je n'avais à m'en prendre qu'à moi-même. Rien ne serait fait pour m'aider à acquérir les stratégies qui m'auraient permis de progresser. Si j'avais cette ambition, il allait falloir que je me débrouille toute seule.
Mais qu'en est-il de tout ceux qui n'ont pas eu comme moi la chance de "réussir" et d'être reconnus pour leurs compétences avant de vivre l'expérience de l'échec ?
De quelles ressources disposent-ils pour affronter l'incompréhension en cours et la honte au moment de l'annonce des résultats ?
Comment peuvent-ils comprendre qu'ils ne semblent pas avoir les mêmes atouts que les autres pour réussir ?
La translation globale des écarts
"On ne peut pas faire accéder les enfants des familles les plus démunies économiquement et culturellement aux différents niveaux du système scolaire et en particulier aux plus élevés, sans modifier profondément la valeur économique et symbolique des diplômes" (extrait).
80% d'une classe d'âge jusqu'au bac. Et après ?
Si seulement 10% de la population globale est titulaire du diplôme, celui-ci constitue un critère de sélection incontournable.
Si 80% peuvent s'en prévaloir, il ne peut plus constituer le même outil de sélection.
En France où c'est par le diplôme que la sélection entre les candidats à un poste ou certaines positions sociales s'effectue, un diplôme "que tout le monde a" est un diplôme dévalué, qui ne permet pas de repérer les "meilleurs" dans la masse (sic).
Mais au moment où certaines catégories de population peuvent nouvellement y accéder, cette nouvelle hiérarchie n'est pas encore clarifiée dans les esprits.
Les exclus d'hier, qui par leur détermination et leur travail parviennent à obtenir le saint graal, ne peuvent que sévèrement déchanter quand ils découvrent que le diplôme qu'ils obtiennent ne leur permet en rien de prétendre aux positions sociales auxquelles il permettait d'accéder pour la génération précédente.
"Le processus d'élimination étant différé et étendu dans le temps, et par là comme dilué dans la durée, l'instituion est habitée durablement par des exclus en puissance, qui y importent les contradictions associées à une scolarité sans autre fin qu'elle-même" (extrait).
Le désenchantement qui s'opère voue alors ces élèves d'un genre nouveau à une exclusion qui semble "encore plus stigmatisante et plus totale que par le passé", car selon toutes les apparences, ils ont eu leur "chance".
Les "râtés relatifs" aux plus hauts niveaux de la réussite
Au sein de ma classe préparatoire prestigieuse, je réalise progressivement que je n'ai pas les mêmes atouts que mes camarades.
Le fossé entre eux et moi est immense.
IIs savent déjà ce que c'est que de passer le concours de l'ENS. Des frères, des soeurs, leurs parents ou leurs cousins leur ont raconté leurs histoires de normaliens et d'admissibilité depuis qu'ils sont en âge de les comprendre.
Si je suis les mêmes cours, je ne perçois pas comment ils vont m'aider. Je ne maîtrise pas les codes et les méthodes qui permettent d'accéder petit à petit au niveau requis (quand certains dans ma classe l'ont de toute façon déjà atteint).
Je sais que dans certaines prépas moins cotées, les enseignants dispensent à leurs élèves des cours de méthodologie : comment construire une argumentation ? Comment problématiser son propos ?
J'ai dû apprendre tout ceci sur le tas, par mes propres moyens.
A Fénelon, on n'expliquait pas comment progresser. On ne nous aidait pas à analyser nos lacunes pour les combler. "On" avait déjà bien assez d'étudiants doués. On se contentait donc de les sélectionner pour ne garder que ceux qui avaient leurs chances pour le concours.
Je n'étais pas une grosse perte.
J'étais une "exclue en sursis" dès le mois de septembre. Mais après tout, on me donnait ma chance. On avait sélectionné mon dossier "de lycéenne de banlieue". Je n'avais qu'à faire mes preuves et prouver mon mérite.
L'institution réussissait ainsi le "tour de force de réunir les apparences de la démocratisation et la réalité de la reproduction".
La responsabilité individuelle de mon échec qui m'était imputée était ici patent.
Comme de nombreux élèves l'avaient vécu avant moi dans mon parcours scolaire, j'étais gardée au sein du système pour y attendre d'en être exclue. J'allais pouvoir faire l'expérience des "filières dévalorisées" et des parcours de seconde zone.
Je raconterai ensuite comment j'ai poursuivi mes études à l'université.
Trois ans plus tard, dans le métro, je suis tombée par hasard sur une ancienne camarade de prépa.
"Que deviens-tu ?" m'a-t-elle demandé.
Je lui ai raconté que je faisais un double-cursus à l'université : un DEUG de psychologie et un Master de sociologie.
"Ah" m'a-t-elle répondu peinée.
J'ai senti une pointe de condescendance dans sa voix et son attitude et je lui ai donc retourné la question. Elle redoublait sa khâgne à Fénelon.
"J"ai été admissible l'année dernière" a-t-elle ajouté avec orgueil.
Moi qui trouvait plutôt satisfaisant et ambitieux de mener deux cursus en parallèle, cette rencontre de quelques minutes à peine m'a sévèrement renvoyée à mon statut de "déchue".
J'avais pendant une année côtoyé "l'élite" et j'étais retournée parmis les pouilleux…
Je le dis aujourd'hui avec le sourire.
A l'époque, son regard affecté posé sur moi avait eu le même effet que les yeux levés aux ciel de ma prof de français quand elle m'avait rendu mon premier devoir.
Devoir renoncer aux aspirations sociales et scolaires que l'école a elle-même inspirées
Bourdieu et Champagne dans leur texte analysent le "malaise lycéen" (et maintenant étudiant) comme une manifestation des contradictions qui traversent l'institution scolaire.
"Fini le temps des cartables en cuir, des vêtements d'allure austère, du respect accordé aux professeurs, autant de signes de l'adhésion que les enfants des familles populaires accordaient à l'institution scolaire et qui a cédé la place aujourd'hui à une relation plus distante : la résignation désenchantée, déguisée en nonchalence désinvolte, se marque dans l'indigence affectée de l'équipement scolaire, le dossier tenu par une ficelle ou un élastique que l'on trimballe nonchallamment sur l'épaule, les crayons feutres jetables qui remplacent le stylo à plume de prix offert, à titre d'encouragement à l'investissament scolaire, à l'occasion d'un anniversaire. Elle s'exprime aussi dans la multiplication des signes de défi à l'intention des enseignants…" (extrait).
Comment supporter d'être "en attente d'exclusion" jour après jour ?
Comme souffrir les signes de déclassement, les yeux levés au ciel et les regards méprisants jetés par ceux qui sont bien en place ?
En renforçant la différence. En marquant ce qui nous fait appartenir à un autre monde. En revendiquant ce qui fait sa valeur.
Parfois, cette violence insidieuse quotidiennement subie donne lieu à des signes d'opposition plus agressifs.
On bavarde. On s'assoit au fond de la classe. On sèche quelques cours.
Tant que l'on garde l'espoir de faire partie des élus, on joue le jeu avec ferveur.
Mais qu'advient-il quand on se sait dépassé ?
L'image de soi est continuellement en danger au sein de l'école.
La réussite scolaire est en effet tellement confondue avec la réussite sociale que l'on se sait "moins que rien" si l'on ne fait pas partie "à une bonne place" de ce monde-là.
Mais si ce monde nous ferme ses portes, comment rebondir pour se sentir enfin exister ?
La suite de mes périgrinations en hypokhâgne la semaine prochaine….
Si vous souhaitez lire le texte de Bourdieu et Champagne en version intégrale, il est accessible librement sur le site Persee (cliquez sur le lien).
Mille mercis chère Hélène pour votre article qui, soyez-en certaine, sera utile à plus d'un… je vais immédiatement le transférer à ma fille, brillante élève à peine sortie de sa classe de terminale d'Aix-en-Provence, et admise dans une classe préparatoire à Lyon où elle commence dans quelques jours… Toutes proportions gardées, j'imagine qu'il pourrait y avoir quelques similitudes avec votre récit, et ceci pour plusieurs raisons. Merci encore !
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P.S. : On devrait trouver une réponse gag (…ou attitude gag ) appropriée pour répondre à ceux qui font d'incommensurables dégâts juste en levant les yeux au ciel (à creuser…)
Bonjour,
Je voudrais ajouter à l’intention de votre fille que si Bourdieu et Champagne mettent en évidence et insistent sur les déterminations sociales de l’échec scolaire, bien d’autres sources de détermination existent pour l’expliquer (et que celles-ci permettent également de mieux comprendre les sources de la réussite).
Je pense qu’il est possible (et grandement nécessaire) de mieux mettre en évidence dans le cadre de l’apprentissage (dès le début de la scolarité) les critères le plus souvent implicites à partir desquels les élèves sont jugés et évalués. Car ces critères, sous la forme de codes, de normes et de règles, existent bel et bien. Il s’agit de les mettre à jour pour selon moi participer à une meilleure « démocratisation » de l’éducation.
Cela ne résoudra pas pour autant « le déplacement des écarts » dont parle Bourdieu. Car l’une des perversions du système est que les personnes qui occupent les « places de pouvoir » dans notre société ont en fait tout intérêt à ce que ces « implicites » le restent. C’est à cette condition que le phénomène de reproduction et de maintien des privilèges est possible.
Mais il s’agit alors d’une question de morale et de projet de société.
A bientôt,
Hélène
Même s'il y a certainement du vrai dans l'analyse bourdieusienne, que je ne connais d'ailleurs que superficiellement, je me garderais d'en faire la cause univoque de l'échec dans les études supérieures.
J'ai terminé il y a quelques jours un livre qui parle d'une forme de connaissance inconsciente mais réelle, Blink, dans ce livre, il cite une étude dont les résultats sont frappants : le simple fait de demander aux élèves de mentionner leur couleur de peau dans l'expérience a une influence significative (à la baisse) de leurs résultats à un examen. Ce qui signifie que les élèves noirs vont avoir tendance à limiter de manière inconsciente leur performance lorsqu'ils se mettent dans la peau d'un noir.
La confiance dans sa propre capacité à réussir dépend beaucoup de l'image que l'on a de soi même. Si les élèves de milieux sociaux moins favorisés se sentent dévalorisés par les autres élèves mais aussi par les professeurs, ils sont en réalité libres de ne pas s'identifier à cette image qu'on leur renvoie, libres à condition aussi de rencontrer des personnes qui croient en eux ou d'autres personnes qui sont passés par les mêmes difficultés. C'est ici une question de capacité d'identification. Lorsqu'on nait dans une famille où la "norme" est de faire des études supérieures, des grandes écoles, il est bien plus facile de s'identifier à cette forme de réussite que si on vient d'une cité de banlieue où la norme est tout autre.
A côté de cela, il ne faut pas oublier le niveau réel des élèves qui n'est parfois pas refleté par les notes du dossier puisque cela dépend aussi du niveau général du lycée. Il y a bien aussi une différence de niveau entre les collèges et lycées et pas seulement une différence d'origine sociale.
Bonjour Lucien,
Je suis tout à fait d’accord avec vous (j’ai l’impression d’ailleurs de commencer chacune de mes réponses à vos commentaires par cette phrase…).
Les déterminations sociales ne permettent absolument pas d’expliquer (ou de prédire) de manière univoque et sans appel l’échec, tout comme la réussite d’ailleurs. Comme toutes les sciences humaines et sociales, la sociologie met en lumière des tendances. Ni plus, ni moins.
Cependant, mettre en évidence une corrélation si tenue entre la catégorie socio-professionnelle des parents et celle à laquelle accèdent leurs enfants permet de définir le phénomène comme étant un « fait social », c’est-à-dire une situation qui s’explique au moyen d’autres faits sociaux…bon, j’écris tout ça (en référence à Durkheim), mais cela reste très abstrait.
Vous attirez l’attention sur une autre cause de l’échec scolaire : le sentiment de compétence ou la confiance en soi. C’est effectivement une donnée essentielle. Votre exemple suppose qu’il y aurait un lien de cause à effet entre la couleur de la peau et la réussite scolaire. J’imagine que le maillon entre ces deux élément est effectivement l’image que l’élève a de lui-même et de ses capacités à réussir.
Que la confiance en soi soit génératrice de réussite ou d’échec, chacun dans son expérience personnelle pourra trouver des moyens de l’illustrer.
Mais comment comprendre le lien de corrélation entre la couleur de peau et le sentiment de compétence ?
On peut l’envisager d’un point de vue psychologique : comment l’entourage proche et les personnes qui comptent pour l’élève se comportent-ils à son égard ? Comme vous le dites : croient-ils en lui ? Valorisent-ils ses réussites ? Ou alors en sont-ils jaloux ? Dénigrent-ils ses capacités avant même qu’il n’ait fait quoique ce soit ?
Mais on peut également l’envisager d’un point de vue sociologique : existent-ils des différences de traitement des élèves, et plus globalement de toute une catégorie de la population, en fonction de la couleur de peau ou de l’origine sociale ? Les personnes de couleur occupent-elles des positions sociales associées à des places de pouvoir et de prestige, ou des positions déclassées ? Les personnes de couleur subissent-elles au quotidien de la discrimination (accès réduit à certains logements, à certains emplois, à certaines formations…) ? etc.
C’est une société dans son ensemble qui affecte certaines catégories de population à certaines places (dominantes ou dominées). La dimension sociale globale est ainsi essentielle. Par contre, elle n’est absolument pas (je le redis) déterminante de manière univoque.
Une famille peut subir de la discrimination au quotidien mais les parents transmettre à leurs enfants l’envie de se battre pour contrer ces injustices. Il se peut que la fierté d’être ce que l’on est soit également une valeur très forte et donne ainsi du courage aux enfants pour se sentir « avoir ce qu’il faut » pour réussir aussi bien que n’importe qui.
Vous questionnez aussi les différences de niveaux entre les lycées.
Elles existent effectivement. Mais elles sont le plus souvent dépendantes du niveau des élèves (auquel les profs s’adaptent). Pour préserver leur très bon niveau, les « grands » établissements qui se prévalent de résultats hors pair ne font en réalité que sélectionner davantage les élèves. Je ne pense pas que les enseignants soient meilleurs dans ces lycées (dans le sens qu’ils seraient davantage capables que d’autres de faire progresser pour atteindre un niveau bien meilleur en fin d’année qu’au début).
A bientôt,
Hélène
Bonjour Hélène Weber,
Merci
L'ensemble de vos études sont remarquables d'authenticité. Votre témoignage en Hypokhâgne m'a fait sourire, et confirme que l'homme est toujours obligé de vivre en groupe sous forme de structure interne et restreinte, à la recherche de compétitivité et cela depuis l'homme des cavernes, et toujours avec une présence de castes.
Nous faisons que reprendre les bases de ce qui a toujours existé, en modernisant, aujourd'hui les trois premiers d'une classe et les sept autres rassemblés dans les 10 premiers, une équipe de volleyeurs avec ses remplaçants… L'esprit d'équipe en compétition sportive forge remarquablement et durablement une personne dans sa future vie professionnelle.
J'ai connu dans les années 70 en principauté de Monaco, dans le port, donc en toute sécurité et sous caméras déjà à l'époque, sur un immense yacht le Nabila protégeant un personnage important, un équipage armé sur le bateau, une poubelle jetée tous les jours de viennoiseries et de fleurs, des portes vitrées ne s'ouvrant seulement avec les codes électroniques avec des robinetteries en or, un réfrigérateur dans chaque pièce mêmes les annexes avec plusieurs bouteilles de champagne…
Aujourd'hui il m'arrive d'entrer chez ces personnes, ils vivent dans un perpétuel et constant malaise, en dehors de leurs activités ils ne savent rien faire, souvent jaloux regardant de très haut le monde qui les entoure avec beaucoup de frustration, c'est leur vie!
Toutes ces personnes sont-elles heureuses, ne cache-t-elle pas un phénomène très complexe avec un malaise incommensurable, se cachant derrière des substitutifs comme l'alcool, la drogue, la prostitution, la dépression, la solitude.
Suite à une mauvaise interprétation de ma scolarité, j'ai été orienté dans un cycle technique dans le bâtiment, j'ai poursuivi tant bien que mal les études, j'avais un gros malaise car personne n'avait décelé que j'avais un QI supérieur à la normale, avec toutes les conséquences que cela implique, une réponse s'inscrire à la Memsa, s'enfermer encore dans un groupe, depuis je galère, personne ne comprend l'ouverture d'esprit et la vision que nous avons, mais ça c'est ma vie.
Vos informations sont capitales, agréables à lire, continuez vos témoignages, obligatoirement elles enrichissent toujours les personnes qui prennent le temps de vous lire, et pas seulement des élèves ou des étudiants.
Les livres que vous recommandez de lire, de Tony Buzan et Robert Cialdini sont excellents, je suis à la recherche d'informations et de techniques permettant de mémoriser des textes de plusieurs pages, comme les acteurs le font, encore un sujet complexe.
À bientôt de vous lire, cordialement
D
Bonjour,
Pensez-vous vraiment que la recherche de compétition et le phénomène des castes soient incontournables ?
J’aurais envie de croire qu’une autre manière d’envisager le rapport aux autres soit possible…
Maintenant, que les choses changent finalement très peu d’une génération à l’autre, je suis malheureusement d’accord.
Ce que je trouve particulièrement intéressant dans l’exemple des « riches » que vous rapportez, ce sont ses « barrières de protection » qu’ils semblent monter autour de leurs privilèges. Cela me rappelle une anecdote que l’on m’avait rapportée : un homme aux revenus confortables venait de s’acheter est très gros camping-car, version luxe. Il racontait combien cet investissement était contraignant. Il ne pouvait pas en effet, garer son véhicule n’importe où. Car un tel assemblage de beaux matériaux, de matériel de pointe (télévision, chaîne hi-fi, électroménager dernier cri…), etc. ne pouvait qu’attiser les convoitises. Le luxe de l’objet était trop voyant. Des voleurs de tout poil ne pourraient qu’avoir envie de « se servir » malgré le système anti-vol mis en place.
« Et oui », lui répondit mon amie, « maintenant, tu as des problèmes de riche… »
Lorsque ce sont les possessions matérielles qui marquent l’écart entre vous et les autres, ceux qui ont « tellement plus » peuvent aller à la rencontre des difficultés, notamment psychologiques, que vous décrivez.
Mais quand ce sont les connaissances accumulées, la manière de s’exprimer ou les diplômes obtenus ?
Ne trouvez-vous pas que dans ce domaine, la blessure narcissique infligée est plus perverse ? Tout se passe comme si l’on ne pouvait (et ne devait) s’en prendre qu’à soi-même…
Pourriez-vous en dire un peu plus sur ce qu’est la MEMSA ? S’il cela parle d’ouverture d’esprit, cela ne peut qu’être intéressant !
Concernant la mémorisation de longs textes, il existe plusieurs approches. Avez-vous lu l’e-book « Se souvenir de tout : mode d’emploi » que je propose gratuitement aux abonnés ? Il s’agit d’une synthèse du livre de Joshua Foer intitulé Voyages au coeur de la mémoire, qui est le meilleur livre sur la mémoire que j’ai lu ces derniers mois. Je pense que vous y trouverez une réflexion et des techniques concrètes qui vous seront très utiles.
A bientôt,
Hélène