Mon année en Hypokhâgne (partie 6)

Si vous souhaitez débuter l’histoire par le début : c’est ici.

Après une phase de « douce illusion« , mes premières notes exécrables, une grosse remise en question, l’aide de mon entourage et mes stratégies pour progresser en français et en philo…

Je vais vous parler de mes difficultés (et stratégies déployées) en Histoire et en anglais.

« Des progrès dans l’acquisition des connaissances »

Première note en Histoire : 2/20.

J’avais rempli une seule copie-double et j’étais très fière de ma « problématique ».

Malheureusement, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus…j’ai jeté ma copie à la poubelle de dépit.

Je n’allais tout de même pas garder un témoignage si éloquent de ma disgrâce.

Aujourd’hui, je le regrette, parce que c’est bien souvent quand on s’est vraiment planté (alors qu’on pensait avoir tout bon), qu’on apprend le plus. Du moins, 16 ans après, quand l’hypokhâgne est bien bien loin derrière soi…

La meilleure note de la classe : 14/20. Quatre copies-doubles intégralement remplies d’une écriture serrée.

La première chose que je me suis dite, c’est donc : si tu veux avoir de meilleures notes, il va falloir gratter.

Deuxième dissertation.

Sujet : « L’image de l’étranger dans la France des années 1820 à 1870 ».

La prof nous fait un discours avant de rendre les copies. Elle est très étonnée (sic) de constater que certains d’entre nous ont fait d’importants progrès (ben oui, une hiérarchie dans les notes, normalement, ça se respecte).

Certains ont même doublé leur note !

Super, si je suis passée de 2 à 4, c’est l’Ecole Normale qui commence à me faire du pied.

Et bien non, je suis passée de 2 à 8/20.

Commentaire sur ma copie : « L’analyse cède assez vite la place au récit des relations internationales. Des progrès dans l’acquisition des connaissances ».

J’ai un souvenir assez précis de la façon dont notre prof d’Histoire faisait cours…

Elle restait assise derrière son bureau pendant deux heures, n’écrivait jamais rien au tableau…et nous parlait. Je pense qu’elle aimait beaucoup sa matière mais qu’en ce qui me concerne, son enthousiasme avait du mal à passer.

Il n’y a pas de programme établi en hypokhâgne et elle avait choisi d’aborder des questions d’Histoire médiévale, puis d’Histoire moderne. Elle était fan de George Duby, un historien spécialiste d’Histoire médiévale, qui a beaucoup contribué à faire connaître cette période au grand public, notamment dans le cadre d’émissions de télévision.

Notre enseignante nous parlait des rois et des reines comme si elle les connaissait personnellement. Une place importante était accordée dans son discours à la personnalité des personnages historiques pour expliquer leurs choix politiques. J’avais l’impression en l’écoutant que cette approche « psychologique » de l’Histoire lui importait beaucoup et qu’il fallait que je m’en inspire dans mes copies.

Je ne comprenais donc pas qu’elle me reproche que mes « analyses cèdent rapidement le place au récit des relations internationales ». Un récit, c’est ce que j’avais l’impression qu’elle nous faisait à chaque cours…

Je reconnais que j’étais un peu perdue.

J’avais rempli trois copies-doubles d’informations détaillées parce que je pensais que c’était ce qu’elle attendait.

J’avais abordé l’Histoire sous l’angle du « récit » parce que j’imaginais également que c’était ce qu’elle attendait…

Je m’étais inspirée de sa façon de faire cours pour essayer de lui donner quelque chose qui ressemblait à ce qu’elle nous donnait elle-même.

Les deux pages de « correction » que j’ai prises en notes ne sont pas plus explicites concernant la manière dont elle attendait que nous « construisions une analyse ».

J’ai obtenu un 7/20 à la dissertation suivante.

Sujet : « L’héritage antique dans l’occident médiéval (fin 8ème-début 14ème) »

Commentaire sur ma copie : « Un effort d’acquisition des connaissances mais des digressions et oublis montrent que le sujet n’a pas forcément été compris ».

…et un 11/20 en commentaire de texte.

Sujet : Le serment des nouveaux maîtres ès arts à l’Université de Paris vers 1280.

Commentaire : « Un commentaire sérieusement documenté. Des rappels superflux par endroits montrent que certaines exigences vous échappent. Il fallait insister davantage sur les règlements d’ordre disciplinaire qui, a contrario, évoquent la situation concrète des étudiants et maîtres ».

Bien sûr que « certaines exigences » m’échappaient !

L’antipathie que j’éprouvais pour la prof a je pense grandement contribué à ce que je ne cherche pas davantage à progresser dans cette matière.

C’est pourtant en deuxième année d’Histoire à l’Université que j’ai choisi de m’inscrire l’année suivante.

En deuxième année, nous devions choisir une UV dans chacune des grandes périodes de l’Histoire : Histoire antique, Histoire médiévale, Histoire moderne et Histoire contemporaine.

J’ai gardé trois copies de cette année-là : un 16/20 et en 17/20 en Histoire contemporaine et un 9/20 en Histoire grecque.

Cette question de « l’analyse » m’est progressivement apparue sous un jour nouveau. Les enjeux sociologiques d’une période étaient également à prendre en compte, et non simplement le récit des événements.

Or, je ne comprenais (ou plutôt, je ne faisais l’effort de me pencher sérieusement sur…) les enjeux d’une période que quand elle m’intéressait vraiment. Ou que le prof parvenait à me communiquer sa passion. C’est d’ailleurs une préoccupation qui va m’accompagner quelque temps durant mes études…mais j’aurais l’occasion d’en reparler.

Et l’anglais ?

L’amie avec laquelle je m’étais inscrite en hypokhâgne était extrêment douée en anglais. Nous avions à peu près les mêmes notes dans toutes les matières, sauf en anglais où elle était de loin la meilleure élève de la classe.

Notre deuxième version d’anglais était un devoir à la maison. Autrement dit, nous pouvions consulter tous les dictionnaires et tous les « experts » que nous souhaitions.

J’avais néanmoins voulu progresser par mes propres moyens. Car j’avais l’impression de savoir écrire français et que passer de « l’anglais au français », avec un bon dictionnaire, c’était tout de même dans mes cordes.

Internet n’était pas démocratisé comme aujourd’hui. Nous étions en 1995. Je n’avais ni ordinateur personnel, ni accès possible aux informations auxquelles nous pouvons avoir accès en 2012.

J’ai donc passé de longues heures à traduire, Longman à l’appui, ma version chérie.

Je me souviens que mon amie m’avait proposée d’échanger nos travaux pour comparer nos propositions. Mais si j’avais accepté qu’elle lise ma copie, j’avais refusé de lire la sienne. Je pensais naïvement qu’avec du temps et mon dico, j’aurais pu m’en sortir honnorablement.

Résultats des courses :

– Mon amie : 20/20.

– Moi : 0/20 (loin en-dessous de zéro en fait…)

J’étais à la fois stupéfaite et humiliée.

J’aime autant vous dire qu’à partir de là, j’ai complètement lâché l’affaire. D’autant que le prof a passé toute l’heure à quasiment se moquer des erreurs de français accumulées dans « certaines copies » et à encenser les « trouvailles pleines d’esprit et de finesse » que contenaient les autres.

Deux choses ont donc joué un rôle concernant mon « abandon » dans cette matière : le mépris du prof et le fossé que je voyais infranchissable entre mes performances et ce qui était attendu.

Je ne voyais même pas par où commencer pour amorcer un début de progression. J’avais l’impression qu’on m’avait induite en erreur depuis mon premier cours d’anglais en cours de 6e.

Mais le plus redoutable, c’est que j’avais pratiquement toujours été dans la même classe que mon amie (qui avait eu 20/20) depuis cette même année de 6e. Nous avions été dans le même collège et dans le même lycée. Ses parents n’étaient pas anglophones et elle n’était pas partie en Angleterre. Elle était simplement douée. TRES douée.

Son mérite était immense par rapport à celui de beaucoup d’autres élèves de la classe qui eux, pour le coup, avait une mère anglophone pour l’une, passé une année aux USA pour l’autre ou multiplié les stages, les cours particuliers ou les voyages.

Et après ?

Globalement, j’avais tout de même bien progressé.

Je n’ai pas réussi à remettre la main sur mes bulletins de l’époque mais le commentaire de ma prof de français est resté gravé : 10/20 en dissertation, 12/20 en devoir à la maison et 13/20 en colle. Commentaire : « Des progrès spectaculaires ».

Mes progrès en philo et en Histoire étaient également notifiés. Il n’y avait rien à faire pour moi en anglais et j’avais stagné en géographie.

Verdict : malgré des progrès, vous n’avez pas atteint le niveau requis pour passer en Khâgne au lycée Fénelon.

A cette étape de mon parcours, deux options s’offraient à moi : postuler en khâgne dans des lycées moins prestigieux ou me réorienter.

J’ai alors pour la première fois réfléchi à ce qu’il y avait après la khâgne.

C’était quoi en fait l’Ecole Normale Supérieure ?

Qu’est-ce qu’on y faisait ?

On continuait à suivre des cours tout en étant rémunéré…pour passer l’agrégation…et devenir prof.

Prof ? Mais moi je ne voulais pas être prof (désolée…).

Tout ce boulot et cette souffrance pour devenir enseignant ?

Oui, mais ensuite vous pouvez poursuivre en thèse et enseigner à l’Université !

Vous êtes mieux payé que les autres parce que vous êtes agrégé.

Je connais deux personnes qui ont fait des études de sciences, ont intégré l’Ecole Normale Supérieure, ont eu l’agrégation dans leur discipline, ont soutenu une thèse de Doctorat, ont publié des articles, ont été qualifiés par le CNU, n’ont pas trouvé de poste de Maître de Conférence à l’Université…et sont donc allés enseigner en collège, dans un établissement classé ZEP au bout d’une ligne de RER de la région parisienne.

Pour ma part, je ne savais pas encore ce que je voulais exercer comme métier, mais je savais que je ne voulais pas être prof.

Vous remarquerez qu’il n’était pas encore question pour moi de construire un vrai projet professionnel.

J’ai alors une fois de plus choisi des études par goût, sans réfléchir à la question des débouchés.

Malgré l’inimitié que j’avais éprouvée à l’encontre de ma prof d’Histoire, j’avais un suffisamment bon souvenir de ma prof de terminale pour savoir que parmi toutes les matières suivies en hypokhâgne, c’était celle qui me plaisait le plus. Je me suis donc inscrite en deuxième année d’Histoire.

En hypokhâgne, on vous propose souvent de vous inscrire à la fac en parallèle. Comme j’étais scolarisée sur Paris, j’avais pu faire le choix de m’inscrire à la Sorbonne. Etant donné que mon bulletin scolaire n’était pas déshonorant, j’ai obtenu un passage en deuxième année, avec une seule UV de première année à rattraper.

A la fin du mois d’avril, le conseil de classe d’hypokhâgne passé, j’étais donc libérée de toute obligation scolaire (les profs enchaînaient sur le programme de Khâgne avec les élèves qui passaient en deuxième année).

J’avais donc 5 mois de « libres » avant de reprendre la fac debut octobre (à l’époque, les rattrapages avaient encore lieu au mois de septembre).

Voilà donc comment s’est terminée mon année en hypokhâgne…

Mais les choses ne s’arrêtent pas là !

Je pense donc vous raconter la suite…car il y a une vie après l’hypokhâgne.

Article suivant : de la classe préparatoire à l’université : témoignage de ma deuxième année d’Histoire à la Sorbonne (partie 1)

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