Apprendre à apprendre et à enseigner à l’aide des neurosciences et de la pédagogie des gestes mentaux (Céline Breysse)

L'année dernière, j'ai été contactée par Céline Breysse dans le but d'organiser :

– une formation à destination des enseignants du lycée professionnel où elle enseigne

– et une intervention auprès d'un groupe d'élèves concernant la méthodologie de travail et les techniques de mémorisation.

Céline Breysse fait partie de ces enseignants bienveillants, enthousiastes et profondément engagés, qui ne cessent d'apprendre et de se documenter dans le but d'aider leurs élèves à prendre confiance en eux et en leur potentiel, pour progresser et découvrir de quoi ils sont capables. 

Elle avait lu mon livre "Objectif mémoire" et avait le projet de monter un accompagnement à destination de lycéens volontaires. 

Son énergie est communicative et son humilité exemplaire. Ce sont les deux qualités qui m'ont le plus impressionnée lorsque j'ai fait sa connaissance. Son envie d'aider les jeunes la pousse à se former à toutes les techniques permettant de mieux les comprendre, pour donner du sens à leur projet scolaire et professionnel.

A le suite de mon intervention, je lui ai instamment demandé de bien vouloir partager son expérience, afin d'inspirer d'autres enseignants qui, comme elle, ont envie de se doter d'outils permettant de stimuler l'envie d'apprendre ainsi que les performances scolaires.

 

Voici le témoignage qu'elle a écrit en réponse à mon invitation :

Professeur en lycée professionnel depuis une dizaine d’années, j’ai repéré que de nombreux lycéens ne savent pas comment s’y prendre pour mémoriser des connaissances.

Certains pensent qu’ils n’en sont pas capables et d’autres demandent de l’aide.

Ces difficultés face à l’apprentissage des enseignements théoriques conduisent, dans certains cas, à un échec lors des évaluations, au décrochage scolaire et sont un frein à la poursuite d’études après l’obtention du bac.

Dans le but de limiter les conséquences de ces problèmes de mémorisation et plus généralement d’apprentissage, j’ai regroupé et mis en relation les avancées scientifiques et pédagogiques dans ce domaine.

En m’appuyant sur les travaux de nombreux spécialistes (Stanislas DEHAENE,  Howard GARDNER, Tony BUZAN, Joshua FOER, Mathieu GAGNON, Eric GASPARD, Robert JAFFARD, Steve MASSON, Jean-François MICHEL, Louis MUSSO, Alain SOTTO, Hélène TROCME FABRE, Hélène WEBER…), dont Antoine de LA GARENDERIE qui est pour moi le précurseur, j’ai proposé à des élèves de bac pro volontaires de participer à un travail ayant l'objectif suivant : « apprendre à utiliser les potentialités de son cerveau pour acquérir des connaissances ».

Pour financer ce projet, j’ai déposé un dossier à la région Rhône Alpes dans le cadre des projets Eureka.

Ce projet comprenait deux parties : un travail d’une heure hebdomadaire accompagné et une intervention ponctuelle d’Hélène WEBER, axée sur les outils mnémotechniques. Le financement de l’intervenante a été acceptée, mais pas le travail régulier (ce qui ne m'a pas découragée, puisque j'ai tout de même monté le projet à titre bénévole).  L’association des parents d’élèves du lycée a soutenu ce projet.

Pour organiser ce travail de façon à impliquer les 6 élèves volontaires, j’ai tout d’abord prévu un accompagnement concernant la place de l’imagination dans l’acte de mémorisation.

Ensuite, j’ai permis aux élèves de prendre conscience de la place de l’attention dans l’acte d’apprentissage et des mécanismes à mettre en place pour la maintenir.

Ces bases posées, nous avons pu nous intéresser aux gestes mentaux utilisables pour retenir une histoire, une image ou un geste. Chaque élève a alors eu connaissance des types d’évocation (visuelle, auditive ou kinesthésique) qu’il utilise préférentiellement lorsqu’on lui transmet une information à retenir.

A partir de ces constats, il a été possible de proposer aux élèves d’une part de travailler dans le sens de leur geste mental privilégié et d’autre part de développer les autres gestes mentaux.

En effet, même si nous avons une inclination pour un type d’évocation, il est possible et préférable de développer d’autres stratégies d’apprentissage. Ainsi l’élève augmente ses capacités de mémorisation et apprend à combiner plusieurs types d’évocation. Il améliore ainsi la rapidité d’acquisition des connaissances.

Ensuite, nous avons étudié leur profil d’apprentissage (Jean-François MICHEL) et défini leurs types d’intelligences (Howard GARDNER) les plus sollicités lors de la mémorisation de connaissances. En conscience, ils ont pu utiliser, pour acquérir des connaissances, les techniques qui leur correspondaient et proposer d’en mettre d’autres en œuvre  pour développer des types d’intelligences différents.

Un petit temps a été consacré à la connaissance de la structure du cerveau, aux mécanismes déployés lors de la mémorisation et aux différentes formes de mémoire.

Le travail a alors pu être consacré à la découverte et à l’utilisation d’outils mnémotechniques lors de l’intervention d’Hélène WEBER, puis à leur application individuellement dans les séances d’enseignement théorique.

Il nous reste maintenant à voir comment organiser le travail d’apprentissage pour favoriser la mémorisation des connaissances.

Ce travail facultatif sur la connaissance du fonctionnement du cerveau et sur l’optimisation que l’on peut en faire au profit de l’acquisition des connaissances est très enrichissant :

  • pour les élèves qui y trouvent un intérêt au quotidien dans leur fonction d’apprenant.
  • pour le professeur qui teste des outils favorisant l’apprentissage en fonction des types d’évocation de ses élèves et qui développe ainsi des compétences pédagogiques qu’il peut appliquer à la didactique de ses enseignements.

Une formation concernant l’utilisation des  potentialités du cerveau pour favoriser l’acquisition de connaissances par tous les élèves ne pourrait-elle pas entrer dans la compétence 3 de tout enseignant : "connaître les élèves et les processus d’apprentissage" ?

 

Illustration d’une séance de cours qui prend en compte les évocations auditives, visuelles et kinesthésiques

Séance de techniques professionnelles et technologie associée SERVICES A L’USAGER du bac pro ASSP.

Connaissances visées : facteurs et méthodes intervenant dans les opérations de nettoyage.

Objectif : Expliquer l’interdépendance des paramètres intervenant dans une opération d’entretien

Sous-objectif 1 : Identifier les 4 paramètres de nettoyage

Organisation pour une classe de 32 élèves :

Etape 1 : 4 groupes de 8 élèves procèdent à des expérimentations : tremper un petit morceau de tissu sale et poussiéreux dans un verre d’eau froide puis chaude, dans une solution détergente, en effectuant ou non une agitation en tournant avec une petite cuillère, le tout pendant plus ou moins de temps.

Si l’on connait le profil des évocations des élèves, il est intéressant d’attribuer des responsabilités aux élèves en fonction de leur profil : les auditifs liront les protocoles des expériences à effectuer, les visuels observeront et noteront les résultats de ces observations, pendant que les kinesthésiques réaliseront les expériences.

Etape 2 : en classe entière, mise en commun

Evocation auditives Demander aux élèves d'énoncer les 4 paramètres de nettoyage mis en évidence (temps, température, action chimique, action mécanique)  
Evocations visuelles Afficher au tableau les représentations de ces 4 paramètres (horloge, thermomètre, éprouvette, produit de nettoyage)  
Evocations kinesthésiques Faire circuler dans la classe 4 disques en papier de différentes couleurs, représentant chacun l'un des quatre paramètres  

Sous-objectif 2 : Repérer l’interdépendance de ces 4 paramètres de nettoyage

Evocations auditives Exposer des situations professionnelles où certains paramètres ne sont pas pris en compte (manque de temps, produit insuffisant…)
Evocations visuelles Parallèlement à l'exposé, pointer les représentations des paramètres concernés
Evocations kinesthésiques Imbriquer les disques de couleur les uns dans les autres et montrer l'interdépendance des paramètres impliqués en faisant manipuler les élèves

 

Grâce à Céline, j'ai découvert le projet, le livre et les vidéos d'Eric GASPAR, qui permettent de s'approprier de nombreux outils concrets et constituent en ce sens une source d'inspiration pour tous les enseignants et élèves de collège et lycée.

Cet enseignant de mathématiques a monté un projet intitulé "Neurosup", dans le cadre duquel il montre comment les avancées de la recherche en neurosciences permettent d'inventer un accompagnement qui remet les élèves sur le chemin de la réussite.

Je vous invite à consulter son site en cliquant sur le logo ci-dessus, de découvrir le livre qu'il a écrit (que je trouve très bien conçu), ainsi que son intervention à l'université de Bretagne dans laquelle il donne de nombreuses explications très éclairantes concernant sa démarche et ses outils.

 

 

 

4 thoughts on “Apprendre à apprendre et à enseigner à l’aide des neurosciences et de la pédagogie des gestes mentaux (Céline Breysse)”

  1. Bonjour,

    Merci Hélène pour cette touchante présentation de mon travail.

    Pour les personnes sceptiques, comme "sol" qui n'a pas pris la peine d'expliquer ses propos, j'ajouterai que la prise en compte des profils de compréhension des élèves permet d'en impliquer un maximum dans les apprentissages en leur donnant une possibilité de comprendre les connaissances étudiées. Ce n'est peut-être pas une méthode parfaite mais y en a-t-il une?

    Je met également en place de nombreux outils et dispositifs qui prennent en compte les profils de compréhension lors de la mise en oeuvre de compétences.

    Passionnant travail de recherche pour métier de professeur! 

    A bientôt.

    Céline.

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