Voici le lien vers la première partie de cet article : partie 1.
Nous en sommes donc à l'année 1892, lors de laquelle Freud oriente presque exclusivement ses recherches sur les psychonévroses.
Les recherches sur l’hystérie, 1892
Une nouvelle patiente, Elisabeth von R., se montre particulièrement réfractaire à l’hypnose, ce qui encourage Freud à appliquer une technique dite « d’analyse psychique ».
Il lui demande de s’allonger, de fermer les yeux, et de se concentrer sur les souvenirs liés à son symptôme. Il l’aide en apposant les mains sur son front et lui pose des questions pour tenter de vaincre ses résistances à l’émergence du souvenir pathogène.
Dans Etudes sur l’hystérie, Freud affirme que « grâce à cette analyse, il acquit une totale confiance dans sa technique ».
Celle-ci lui permit, selon ses dires, de procéder à l’élimination, par couches, des matériaux psychiques pathogènes.
Il réussit ainsi à reconstituer l’amour secret de sa patiente pour son beau-frère et sa culpabilité de la joie qu’elle avait ressentie à la mort de sa sœur, en pensant qu’il était devenu libre…
Les douleurs dans les jambes et la difficulté à marcher étaient alors apparues comme une punition.
L’étiologie sexuelle, 1893
Freud et Breuer rédigent une première publication commune en 1893, dans laquelle ils font état des découvertes suivantes :
- Le souvenir de l’évènement traumatique originel, le plus souvent survenu dans l’enfance, agit comme un corps étranger pathogène, jusqu’à ce qu’on parvienne à le mettre en lumière avec ses affects ;
- C’est donc de « réminiscences surtout que souffre l’hystérique » ;
- Le traitement de ces troubles s’appuient sur la théorie de l’abréaction et de ses effets curatifs ;
- Une dissociation du conscient serait présente dans toute hystérie ;
- Les attitudes passionnelles (décrites par Charcot), reproduiraient de façon hallucinatoire le traumatisme initial ;
- Le traitement par la parole permet l’abréaction de l’affect « étouffé » et ainsi la disparition des troubles pour lesquels la patiente est venue consulter.
Mais ils terminent en affirmant que la cause interne de l’hystérie est encore à découvrir.
Freud développe alors de nouvelles hypothèses en s’intéressant au traitement de la neurasthénie, dont les symptômes sont la fatigue, l’anxiété, les maux de tête et la déprime.
Son idée est alors que l’étiologie des névroses est d’origine sexuelle ; il commence ainsi à interroger systématiquement ses patients sur cet aspect de leur vie afin de préparer une publication médicale qu’il compte faire avec Fliess.
Il observe et forme peu à peu l’hypothèse qu’il y a toujours un problème sexuel (frigidité, impuissance…) derrière les symptômes que présentent les malades nerveux.
La « libido », 1894
Le traitement de différents patients conduit Freud à isoler un phénomène qui aura une place essentielle dans sa théorie : la défense.
Il la définit comme une représentation qui éveille un affect si pénible que la personne décide de l’oublier sur le champ parce qu’elle ne croit pas à sa force de résoudre par le travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable et son moi.
Dans le cas de l’hystérie, la somme d’excitation générée par la représentation est convertie dans le corps : Freud nomme ce phénomène « conversion ».
La verbalisation opérerait pour l’affect un cheminement inverse : du corps vers la parole, sous la forme d’une abréaction.
Lorsqu’il n’y a pas d’aptitude à la conversion, la représentation inconciliable est affaiblie par la séparation d’avec l’affect qui lui est initialement associée. Celui-ci, restant dans la sphère psychique, va alors être associé à d’autres représentations par une « fausse connexion » : c’est la genèse des phobies et des idées obsessionnelles.
Une troisième voie peut également être empruntée : le rejet pur et simple de l’affect comme de la représentation, et l’adoption d’un comportement comme si ceux-ci n’avaient jamais existés. Cette option psychique qui signe l’organisation de type psychotique, conduit alors à des aménagements avec la réalité de nature hallucinatoire.
Dans son article « Les névropsychoses de défense » publié en 1894, Freud affirme enfin : « dans tous les cas analysés par moi, c’était la vie sexuelle qui avait fourni un affect pénible ».
Dans cet écrit, ce sont tout à la fois l’étiologie sexuelle des névroses et la notion de « conflit psychique » qui font leur apparition.
Pour Freud, l’appareil psychique tend à vouloir se maintenir à niveau d’excitation le plus bas (ou tout du moins constant) possible.
Cette constance est obtenue d’une part grâce à la décharge de l’énergie présente, et d’autre part grâce à l’évitement de ce qui pourrait accroître la quantité d’excitation.
Des Etudes sur l’hystérie au rêve de « l’injection faite à Irma », 1895
La rupture d’avec Breuer inaugure une nouvelle phase de recherches et de découvertes.
Breuer désapprouve en effet la généralisation par Freud de l’étiologie sexuelle, qui va prendre un tournant décisif pour Freud en 1895 et va l’amener progressivement à passer de la catharsis à la psychanalyse proprement dite.
Le fait majeur qui va amener à ces développements inattendus est l’étude des rêves.
Il passe pour se faire par l’analyse de ses propres rêves en plus de l’analyse de ceux de ses malades, commençant progressivement à appliquer ses théories à l’ensemble des humains dits « normaux ».
L’analyse d’un de ses propres rêves, devenu célèbre sous le nom de « l’injection faite à Irma », le conduit à éprouver son hypothèse que les rêves seraient des réalisations de désirs inconscients.
La théorie de la séduction, 1896
L’objectif de Freud est donc de découvrir l’étiologie des névroses.
Le traitement de plusieurs patientes le conduit à considérer que la cause des troubles serait due à une scène au cours de laquelle une personne jeune est séduite par un de ses proches.
La théorie de l’étiologie sexuelle devient alors celle de la séduction.
Sa méthode d’analyse psychique fait en effet émerger avec une certaine constance des souvenirs de scènes de séduction par un adulte, qui se seraient déroulées dans l’enfance.
Freud en déduit que si cette scène a été accompagnée d’affects de peur, elle est à l’origine de troubles hystériques, et de troubles obsessionnels si elle est accompagnée de volupté, puis de culpabilité.
Il faut que l’évènement ait eu lieu avant la maturité sexuelle de l’enfant pour être générateur de troubles névrotiques.
La thèse qu’il développe est alors la suivante : « l’évènement dont le sujet a gardé le souvenir inconscient est une expérience précoce de rapports sexuels pratiquée avant que l’enfant soit arrivé à la maturité sexuelle. Expérience de passivité sexuelle avant la puberté : telle est donc l’étiologie spécifique de l’hystérie ».
L’auto-analyse, 1897
C’est en 1897 que Freud va profondément revoir certaines de ses hypothèses, ce qui va le conduire à l’avènement à proprement nommé de la psychanalyse.
C’est toujours dans ses allers-retours entre théorie et clinique que ses hypothèses se transforment.
Ainsi, le traitement de ses patients l’amène progressivement à mesurer l’importance de la notion de « fantasme ».
Les doutes qui l’envahissent concernant le bien-fondé de certaines de ses hypothèses le conduisent à les explorer systématiquement sur lui-même.
Le 21 septembre 1897, une déclaration fracassante inaugure toute une série de découvertes. Freud révèle en effet à Fliess dans une de ses lettres : « je ne crois plus à ma neurotica ».
Sa théorie sur l’étiologie sexuelle des névroses est alors remaniée du fait de la place de plus en plus importante que Freud va reconnaître au fantasme dans le traitement de ses patients : « il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité, de telle sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre la vérité et la fiction investie d’affect ».
L’origine des troubles psychiques est alors à chercher sur une « autre scène » où se joue dorénavant pour Freud le théâtre de l’inconscient.
Ce rejet de la théorie de la séduction pose la question de la réalité des évènements traumatiques à l’origine des troubles névrotiques. Cette question de la prédominance du fantasme sera discutée, voire refusée, par nombre des contemporains de Freud, dont Ferenzi.
Il convient de préciser que Freud n’affirme pas que les sévices sexuels n’existent pas ou ne peuvent pas participer à expliquer les troubles psychiques.
L’interprétation des rêves, 1900
C’est dans le chapitre VII de cet ouvrage que Freud propose sa première théorie du fonctionnement de l’appareil psychique : sa première Topique (du grec Topos, qui signifie « lieu »). Il y décrit un système qui départage d'une part les idées conscientes et pré-conscientes, et d'autre part l'inconscient, qui serait le lieu où seraient stockées l'ensemble des idées refoulées par le sujet, du fait de leur caractère insupportable.
Entre l'inconscient et le conscient interviendrait la "censure".
Je vais m'arrêter ici concernant cette présentation. On peut effectivement dater l'invention de la psychanalyse proprement dite à la date de la publication par Freud de L'interprétation des rêves. L'hypothèse première de la psychanalyse concerne "l'existence d'un inconscient", à savoir un "lieu psychique" où chaque sujet refoulerait ce qu'il ne veut rien savoir de lui-même.