Lorsque j'étais au lycée, je ne choisissais quasiment jamais le sujet de dissertation…
En Français, j'avais l'impression de beaucoup mieux maîtriser l'épreuve du commentaire de texte (rechercher les figures de style, analyser la structure du texte, le statut du narrateur, la construction du récit, les thématiques abordées, etc.).
En Histoire, je me contentais surtout de "dire tout ce que je savais" sur un sujet, en essayant de faire un plan du mieux que je pouvais…
Et en Philosophie…j'ai perdu tous mes repères. En terminale, j'ai pourtant obtenu des notes plutôt correctes (autour de 13/14, et même un 16/20 une fois où je me suis sentie vraiment inspirée !). J'ai même eu 16 au bac. Pour autant, je ne me sentais pas à l'aise.
En hypokhâgne (classe préparatoire littéraire), l'exercice de la dissertation est devenu omniprésent. Et je réalise aujourd'hui que j'avais très peu de recul en ce qui concerne les codes à respecter, la manière de s'y prendre et les étapes à suivre pour composer.
J'imaginais qu'on était bon ou pas, qu'on avait ce qu'il fallait ou qu'on ne l'avait pas, et qu'il n'y avait pas grand chose à y faire. C'est un peu comme "la bosse des maths" ou la "vision en trois dimensions" : si vous ne l'avez pas, vous ne pourrez pas l'obtenir. Un point c'est tout.
Eh bien non, être nul en philo n'est pas une fatalité. Et aujourd'hui, je peux vous le dire : cela m'a pris du temps, mais j'ai finalement réussi à progresser.
Moi qui ai obtenu 1/20 en hypokhâgne à mes premières dissertations de Français et de Philosophie, 2/20 en Histoire et 8/20 en géographie, j'ai finalement progressé. J'ai obtenu mon master de psychologie avec une mention bien, mon master de sociologie avec une mention bien et mon doctorat de sociologie avec une mention très bien et les félicitations du jury. Ma thèse est devenu un livre (publié en 2005 aux éditions Eres) et j'ai écrit un autre livre qui sera publié en septembre 2013.
Alors oui, on peut critiquer le système universitaire. Et affirmer que ces résultats ne sont pas des preuves suffisantes. Mais pour ma part, je veux croire que progresser est à la portée de tous, et que, en tant qu'enseignante, je peux apporter quelque chose.
Vous avez décidé de progresser en dissertation ?
Je vais vous proposer une démarche. Après, ce sera à vous de me dire si elle vous a apporté quelque chose ou pas.
– "Disserter" suppose de transformer un sujet en problème à résoudre. Pourquoi ? Comment ? C'est ce que nous allons voir en premier.
– Vous n'aurez jamais d'idée concernant la manière de traiter un sujet si vous n'avez pas de connaissances mémorisées à mobiliser. Pourquoi ? C'est la question que j'aborderai dans la partie 2.
1- Quelle que soit la question qui vous est posée, ayez en tête que "ça dépend"
Je pense qu'il faut partir du principe que l'objectif de la dissertation, c'est de montrer qu'il n'y a pas qu'une seule réponse possible à une question posée, mais de nombreuses.
Pourquoi ?
Parce que quelle que soit la question posée, beaucoup de données différentes peuvent (et doivent) être prises en compte.
Prenons un exemple simple et complètement fictif.
Imaginons que le sujet de dissertation que je vous propose soit le suivant : "Comment s'habiller le matin ?"
Qu'allez-vous me répondre ?
Eh bien, que "cela dépend".
Alors spontanément, vous pourriez dire :
– ça dépend du temps : pluie, neige, vent, soleil…
– et ça dépend de la température extérieure : -15°C, 0°C, 35°C…
Vous pourriez continuer à réfléchir, et envisager progressivement d'autres paramètres à prendre en compte :
– ça dépend de votre activité : allez-vous travailler ? Allez-vous rester chez vous toute la journée ? Allez-vous vous rendre à un mariage ? Allez-vous inviter des amis ? Etc.
Et puis, pour chaque activité, il y aurait encore d'autres paramètres à prendre en compte :
– Imaginons que vous alliez travailler : vous n'allez sûrement pas vous habiller de la même manière si vous êtes chauffeur d'autobus, éducateur de jeunes enfants, kinésithérapeute, ingénieur ou coiffeuse.
– On pourrait même ajouter que si vous êtes coiffeuse, vous n'allez peut-être pas vous habiller de la même façon si vous êtes stagiaire chez un coiffeur de quartier dans une petite ville de province et si vous coiffez les stars qui remontent le tapis rouge pendant le festival de Cannes.
Et puis vous continuez à réfléchir, et d'autres paramètres encore vous viennent à l'esprit :
– votre habillement dépend peut-être également de votre culture, de votre statut social, de votre personnalité, de vos revenus, de vos goûts, de votre humeur du jour, des circonstances, de votre âge, de la période de l'Histoire, etc., etc., etc.
Au bout du compte, c'est un vrai problème de trouver comment s'habiller le matin. Alors, peut-être pas pour vous. Mais si l'on pose la question d'une manière générale, de multiples cas particuliers sont à prendre en compte.
Disserter, c'est d'abord prendre conscience de ses idées reçues pour être en mesure de les remettre en question, en regardant les choses sous différents angles et points de vue.
Au départ, je n'avais envisagé la question "comment s'habiller le matin ?" que de mon point de vue personnel, en fonction de ma situation personnelle et de mes expériences personnelles. Pour moi, il est évident que je m'habille différemment si je vais faire cours à mes étudiants, si je vais au mariage d'une amie ou si je suis en vacances et que je m'apprête à lire sur le canapé toute la journée. La "manière adaptée de s'habiller" varie en fonction de tous les paramètres que j'ai énumérés. Si je m'intéresse à ce qui se fait ailleurs, à un autre moment ou dans un autre contexte, je vais m'apercevoir que la réponse qui me paraissait évidente est en fait discutable.
Ok. En ce qui concerne la façon de s'habiller, vous commencez à voir où je veux en venir ?
Je vous propose d'essayer avec le sujet suivant : "Comment choisir son livre préféré ?"
Alors, quelles sont les données qui vous paraissent devoir être prises en compte pour aborder cette question ?
La suite dans la partie deux de cet article…
C'est clair que les dissertations, j'ai eu un peu de mal…
Bon, si je me lance et prends ce sujet ("Comment choisir son livre préféré ?"), j'ai pas mal de paramêtres en têtes : (une mind map là, ça le fait)
Le livre préféré sera différent selon l'âge du lecteur : Est-il ou elle un enfant auquel cas son livre préféré peut l'être en fonction des images, de l'histoire, de la lecture faîte par le proche… Un adolescent choisira peut-être selon ses intérêts personnels, ses hobbies, selon aussi le format de la lecture : BD et/ou jeux de rôle par exemple… La période de vie aura aussi un impact sur son choix : parents, je trouverais un livre qui deviendra mon préféré sur ce sujet (j'en ai pas en tête pour l'instant :D)
Un autre paramêtre est le sujet d'un livre : l'agro-écologie par exemple, ou la permaculture. La Révolution d'un seul brin de paille de Masanobu Fukuoka fait partie de mes livres préféré. Si c'est la cuisine-santé, j'ai un livre qui est ma bible, "Healing with whole food" de paul Pitchford. Gros livre où je vais puiser certaines de mes recettes. Je crois qu'une culture particulière pourrait faire partie de ce paramêtre. je pense au Japon qui m'attire… enfin pas tout le Japon… plutôt son côté traditionnel avec ses pratiques ancestrales, ses paysages, sa culture culinaire, sa médecine, sa manière de vivre…
Il y a aussi des livres que j'aime car le livre est tout simplement beau en lui même ou parcequ'il a des images absolument magnifiques qui me fait évader ou vouloir visiter le lieu qu'il peint. La même chose s'applique pour des livres de cuisine qui me fait saliver rien qu'en regardant les images…
Un livre peut aussi devenir notre livre de chevet si ils permet de trouver le réconfort et motive au plus profond de nous à croire en nous-mêmes…
Un livre peut aussi devenir préféré lorsqu'on recherche à s'évader.
Un livre peut aussi être un préféré s'ils nous a été offert par quelqu'un qui nous aime et qu'on aime, un cadeau qui nous touche au delà de l'objet lui-même…
Voilà quelques paramêtres… Ça n'en fait clairement pas une dissertation… but it's a work in progress. 😀
À très bientôt.
Bonjour Coralie,
Merci beaucoup de vous être lancée !
Sujet : Comment choisir son livre préféré ?
Si l'on reprend vos propositions, on peut les classer par thème. Le choix d'un livre préféré peut alors dépendre :
– de l'âge
– des goûts personnels : intérêt pour un sujet en particulier, pratique d'une activité, hobby (= agro-écologie, cuisine…)
– des préoccupations du moment et/ou des expériences de vie marquantes (= voyage, accident, naissance d'un enfant…)
– du profil d'apprentissage : images, textes, textures…
– des besoins psychoaffectifs (= confiance en soi, motivation pour mener un projet, tristesse…)
– du symbole que ce livre représente (= cadeau, récompense…)
Dans votre commentaire, vous partez de la question "quels sont les paramètres qui influencent le choix" pour ensuite vous préoccuper de la question "quel est un bon livre pour vous".
Oui, en l'état, cette première réflexion ne fait pas une dissertation.
Par contre, vous commencez à décliner des idées qui mettent en regard ce que vous pensez vous, pour aller vers une façon de se poser la question de manière générale. Et c'est là que vous commencez à faire de cette question un problème. Parce qu'en fait, choisir son livre préféré dépend de beaucoup de paramètres différents…
La suite dans le prochain article !
Bonjour Hélène,
Vous avez su clairement identifier ma manière de faire : partir de mes propres expériences, de mon vécu et ressenti me permet ensuite de répondre à une problèmatique ou de formuler une méthode ou un modèle… C'est ce que je tente de faire en ce moment pour mon projet.
J'ai hâte de lire la suite de votre article.
À bientôt.
Coralie