Anne Boraud est la directrice du Service Commun de Documentation (la bibliothèque) de l'université où je travaille. Elle est (entre autres) chargée d'organiser les actions de formation à la recherche documentaire. Concernant l'élaboration de la bibliographie, si son approche est claire, sa plus grande qualité, selon moi, est de donner du sens et un intérêt certain à l'élaboration de cette partie du mémoire universitaire.
Nous en parlions récemment, et j'ai eu envie de lui poser quelques questions pour que vous puissiez bénéficier vous aussi de ses lumières.
Pourquoi est-il nécessaire d'inclure une bibliographie dans un écrit universitaire ?
La bibliographie est souvent perçue comme un travail rébarbatif et sans intérêt. Une fois la rédaction achevée, on est au bout d’un long parcours et on a qu’une envie : boucler ! La bibliographie apparaît alors souvent comme un passage obligé, parfois même comme une perte de temps là où les dernières heures avant la date fatidique sont précieuses. Elle implique un retour en arrière que l’on n’a pas toujours envie de faire : se replonger dans ses notes, remettre la main sur une référence notée à la va-vite sur un bout de papier introuvable, rechercher ce livre passionnant dont on a extrait une citation mais pour laquelle la pagination a disparu…bref revivre les étapes de sa recherche alors qu’on voudrait avoir TOUT fini !
Le tableau que je viens de dresser pourrait vous faire penser que la bibliographie, c’est une corvée qui ne sert absolument à rien ! Si elle est vécue comme un passage obligé ou une convention purement scolaire, il y a effectivement toutes les chances pour que ce soit le cas. En revanche, elle s’avère indispensable dès lors qu’elle s’intègre dans votre méthode de travail : elle deviendra alors un support incontournable et un outil structurant pour produire votre rapport ou mémoire. Dès le début de l’exploration de votre sujet, il est conseillé de faire sa propre bibliographie en compilant livres, articles, etc. Ce peut être un bon tremplin pour choisir vos lectures, délimiter votre sujet, faire des recoupements afin d’identifier les auteurs de référence, trouver de nouveaux axes de réflexion auxquels on n’avait pas pensé… Bref, il y a beaucoup à analyser dans d’autres biblio pour la constitution de la vôtre et c’est déjà un travail intellectuel qui influera grandement sur la qualité de votre rapport et/ou mémoire.
Quelles sont les informations qu'un correcteur va regarder lorsqu'il évaluera l'écrit ? En tant que lectrice, quelles sont les informations que tu vas chercher lorsque tu consultes une bibliographie ?
Pour comprendre le sens de la bibliographie, il me semble en effet que le meilleur angle d’approche est d’adopter la place du lecteur. En ce qui me concerne, quand je cherche à creuser un sujet, je commence par parcourir sites Internet et catalogues de bibliothèque, à réunir bibliographies et mots-clés. Quand je vois revenir les mêmes auteurs, les mêmes livres, je me dis que je touche là à une information de référence, fiable et validée. Je me précipite alors en bibliothèque ou en librairie pour me procurer le document ! La bibliographie donne l’occasion d’une navigation qui s’apparente à celle que l’on a tous sur Internet : à l’image du surf de site en site, on peut rebondir d’une bibliographie à une autre. On pioche trois références ici, deux autres là, on recoupe d’une liste à une autre… Tout ce travail implique bien sûr de la lecture, de l’analyse. On élargit ainsi progressivement le champ des sources et par voie de conséquence, son regard critique.
Disant cela, j’espère que le sens de ce travail se clarifie : élaborer une biblio, c’est passer le témoin en donnant à vos lecteurs toutes les informations indispensables pour remettre la main sur un document qui vous a semblé utile. C’est un peu comme mettre un « J’aime » sur Facebook, à la différence près qu’il vous revient de faire le nécessaire pour que le document mentionné soit accessible pour votre lecteur. Par exemple, indiquer pour un article de revue la date, le numéro, ce n’est pas du superflu ! C’est comme donner l’URL d’un site Internet…
Imaginez maintenant la posture de votre correcteur : votre bibliographie constitue un des deux éléments (avec le sommaire) qu’il peut parcourir en un clin d’œil. En quelques minutes, il se fait une idée du sérieux et de la profondeur du travail accompli. Que son idée soit confirmée ou non par la lecture attentive de tout le reste, il aura déjà une première impression et celle-ci influencera son jugement. A ce titre, la bibliographie est une vitrine : s’il manque les auteurs de référence, votre correcteur remettra immédiatement en doute la qualité de votre travail. S’il n’y a que des références à Wikipédia, il pourra émettre des doutes sur votre niveau d’exigence, etc…
Si ce que vous voyez dans la vitrine d’un magasin vous plaît, vous êtes tenté d’entrer et d’acheter, non ? Rien de pire que de constater que le magasin est vide alors que la vitrine est attirante et réussie ! De la même manière, vos références bibliographiques doivent être présentes (implicitement ou explicitement) dans votre texte. On verra alors que vous valorisez, en toute honnêteté, l’information que vous avez vraiment utilisée. A contrario, on pourra vous pénaliser si vous remplissez des pages de référence sans les avoir lues et utilisées.
La question du choix de vos références est donc un point crucial. Réfléchissez attentivement aux contenus, mais aussi à leur mode de présentation !
Comment réaliser une bibliographie qui correspond aux normes universitaires ?
Il convient d’appliquer une norme…et il en existe plusieurs ! Soit votre établissement/votre enseignant/votre bibliothèque vous précise la norme à utiliser ; dans ce cas, conformez-vous à ces recommandations. Si vous êtes un fan de normalisation, consultez la norme ISO NF 690-2 :1997. Sinon, inspirez-vous d’un travail universitaire de qualité (mémoire de Master, thèse…) disponible via votre bibliothèque. L’essentiel, une fois que la norme est choisie, est de s’y tenir. La première qualité formelle d’une bibliographie, c’est la cohérence et l’homogénéité de sa présentation.
Certains étudiants appliquent sans erreur la norme, d’autres trouvent cela très rébarbatif et peinent à se plier à l’exercice. Tout dépend de votre profil d’apprentissage et du besoin que vous avez de donner du sens à votre activité. Si vous vous demandez toutes les deux minutes pourquoi il faut mettre le nom d’auteur en majuscules, pourquoi il faut mettre un point et non pas une virgule entre l’auteur et le titre, la rédaction de votre bibliographie risque de devenir rapidement un enfer ! Quel que soit votre profil, l’idéal est de trouver la méthode de travail qui vous convient.
Je conseillerai deux approches :
– Soit vous souhaitez maîtriser l’ensemble du référencement et vous l’intégrez à votre méthode de travail : dans ce cas, ouvrez un fichier Word et recensez, au fur et à mesure, toutes les sources consultées. Faites, par exemple, des copier-coller depuis le catalogue de votre bibliothèque ou constituez-vous des paniers que vous exportez ensuite. Vous ferez ensuite le tri des références (à garder ou non).
– Soit vous souhaitez automatiser la fabrication de votre bibliographie et utilisez pour cela un logiciel de gestion bibliographique (il y a des outils libres : Zotero, Mendeley… auxquelles les BU forment aujourd’hui).
Dans les deux cas, il faut surtout bien mettre en correspondance contenu et contenant. (ex. 1 livre lu = 1 fiche avec les informations à retenir + les références du livre).
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