Que veut dire « être attentif » en cours ? Et pourquoi est-ce parfois si compliqué ?

 
 

Vous êtes motivé. Vous savez que le cours est important. Vous avez à cœur de rentabiliser vos heures passées à écouter vos enseignants pour en retirer le maximum. Et pourtant, au bout de dix minutes à peine (ou peut-être un peu plus), vous décrochez…

Que faites-vous concrètement quand vous maintenez votre attention ?

Vous faites l'effort de revoir dans votre tête ce que le prof vous montre ou ce dont il vous parle. Vous créez des images mentales pour évoquer les informations reçues et ainsi les mettre en lien avec d'autres informations que vous avez déjà en mémoire.

La plupart du temps, le prof, comme les étudiants, cherche un coupable pour expliquer ou justifier les problèmes d’inattention : les étudiants ne sont pas sérieux, le prof ne se préoccupe pas de savoir si on comprend, les étudiants ne travaillent pas suffisamment, le prof n’a aucun charisme, les étudiants ne respectent rien, le prof ne cherche pas à nous intéresser, etc.

J’aimerais vous raconter deux expériences qui ont radicalement changé ma façon de voir les choses en tant qu’enseignante. Elles m’ont permis de trouver des réponses à ces deux questions que, sachez-le, bon nombre d’enseignants se posent : comment intéresser les étudiants ? Et pourquoi il m’arrive de ne pas y parvenir même quand j’y mets la meilleure volonté du monde ?

Il y quelques années, j’enseignais la psychologie parallèlement en IUT et en fac de psychologie. J’animais le matin une séance de TD de psychologie sociale à une cinquantaine d’étudiants de première année (une trentaine en psycho et une vingtaine en première année de médecine et qui avaient choisi ce cours en option).

L’après-midi, je faisais cours de "psychosociologie des organisations" à un groupe de quinze adultes en formation continue, inscrits en DUT de gestion de petites et moyennes organisations. A priori, on peut penser que les premiers, inscrits en psycho, trouvaient plus d’intérêt à ce que je leur racontais que les deuxièmes, pour lesquels le cours de psychosociologie était secondaire dans le cadre de leur formation (plutôt centrée sur la comptabilité et la gestion). Et bien c’était tout le contraire. Et pourtant, je peux vous assurer que je mettais le même entrain à enseigner aux uns et aux autres.

La différence entre les deux groupes se situait essentiellement au niveau de leur motivation et du sens qu’ils donnaient au contenu du cours.

La plupart des étudiants de mon groupe de TD étaient encore très imprécis concernant leur projet professionnel : qu’est-ce que ce cours allait bien pouvoir leur apporter ? Si votre unique objectif est d’avoir votre UV ou une note correcte à l’examen et qu’à aucun moment vous n’envisagez l’usage concret que vous pourrez faire du contenu du cours, il y a toutes les chances que vous ayez du mal à maintenir votre attention.

Les étudiants du DUT de gestion avaient tous une expérience professionnelle. Les cours que je leur faisais sur « la gestion des conflits », « la communication non-violente » ou « l’organisation du travail », ils les mettaient spontanément en lien avec leur vécu. Ils envisageaient ainsi d’emblée comment la théorie pouvait leur permettre de mieux comprendre leurs difficultés au travail afin de les dépasser. Pourquoi ce cours peut avoir de l’intérêt pour vous ? C’est la première question à laquelle vous devez répondre pour qu’ « être attentif » en cours ait du sens.

Votre projet est la première ressource dans laquelle vous devez puiser pour maintenir votre attention. Pour préciser la réponse à cette question, vous pourrez vous reporter aux articles de la catégorie « Trouver sa motivation ».

Voici maintenant ma deuxième expérience :

Pendant toutes mes années d’études (huit et demi tout de même après le baccalauréat), j’ai suivi des cours avec des enseignants « qui me parlaient ». De mon côté, j’écoutais et je prenais des notes. Pas de Powerpoint, pas de schémas au tableau, pas de polycopiés, d’exercices avec des chiffres et des symboles, de travaux pratiques où j’aurais manipulé des tubes à essai, des outils compliqués ou une machine quelconque. Je n’ai même pas bénéficié d’"introduction à l’informatique".

Comme la plupart des étudiants de ma génération, j’ai acheté mon premier ordinateur d’occasion en première année de Maîtrise, que j’ai utilisé comme « traitement de texte » pour rédiger mon mémoire de 80 pages. Quand j’ai commencé à enseigner, j’ai donc reproduit le seul schéma que je connaissais et que j’avais appris à maîtriser : faire un cours magistral.

Cela ne veut pas dire que je parlais aux étudiants sans me soucier de ce qu’ils comprenaient. J’ai passé beaucoup de temps à perfectionner ma façon de « faire cours » parce que j’avais cruellement à cœur que les étudiants soient « attentifs » et intéressés. Je multipliais les anecdotes humoristiques et les exemples, je m’attachais à connaître chacun personnellement pour adapter mes explications en fonction de leurs difficultés particulières et je travaillais mes cours avec applications pour être en mesure de transmettre ma passion pour le sujet. Et pourtant, je ne parvenais pas à maintenir l’attention de tous.

Et puis un jour, j’ai animé une formation à destination d’un groupe d’étudiants en sciences de l’Université Paris 6. Au moment du bilan, l’un des participants m’a dit la chose suivante : « vous savez, nous avons vraiment beaucoup apprécié votre intervention. On sent que vous êtes passionnée et cela donne envie d’être attentif. Mais quand même, nous sommes des scientifiques. Donc, si vous pouviez ajouter quelques chiffres et un ou deux graphiques, ça nous parlerait davantage et on suivrait encore mieux ».

Je vous avoue que c’est en lisant les livres du pédagogue Antoine de La Garanderie que j’ai pu pleinement mesurer les conséquences de ce que cet étudiant avait essayé de me faire comprendre. Nous n’avons pas tous la même façon d’appréhender les informations qui nous sont transmises.

Certains d’entre nous sont plus sensibles aux informations visuelles (graphiques, schémas, symboles, notations au tableau, Powerpoint…), d’autres aux informations auditives (cours magistral, explications orales, informations auditives…) et d’autres encore aux informations kinesthésiques (odeurs, goût, et plus généralement toucher, applications concrètes qui demandent d’être actif dans le processus d’apprentissage…).

En conséquence, ma façon de faire cours, quasi-exclusivement sur le mode oral, convenait beaucoup mieux aux étudiants « auditifs ». J’ai donc dû adapter mes contenus en fonction du public scientifique pour qu’ils fassent intervenir beaucoup plus d’informations visuelles. J’ai également introduit de nombreux exercices pratiques pour que les étudiants à dominante « kinesthésique » s’y retrouvent aussi.

Si vous avez la volonté de rester attentif et que vous rencontrez des difficultés, cela peut s'expliquer (entre autres) par le fait fait que vous n'avez pas l'habitude « d'évoquer mentalement » dans la même langue mentale que l'enseignant.

Par exemple, celui-ci vous explique un problème oralement alors que vous avez besoin qu'il vous pose les choses par écrit au tableau (et donc visuellement) pour être en mesure de pleinement cerner ce qu'il vous raconte. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises de raconter des choses pendant plusieurs minutes en ayant l'impression que plusieurs étudiants ne m'écoutaient pas. J'avais beau parler plus fort ou faire de grands gestes, ils restaient absents. Par contre, dès l'instant où j'attrapais une craie en leur disant que maintenant, j'allais « leur montrer » ce que je voulais dire, alors là, ils tournaient la tête vers moi et j'avais toute leur attention.

Mais quelle est la conséquence pratique de ces considérations ? On ne choisit pas ses enseignants. Alors comment faire quand le discours ou les illustrations, voire la manière essentiellement théorique de faire cours ne nous conviennent pas ?

En général, les enseignants qui parviennent le mieux à capter l’attention des étudiants pendant leurs cours sont ceux qui mixent de nombreux canaux d’informations. Ils sont ainsi en connexion avec la façon de penser de la plus grande majorité des étudiants. Sachez également que certaines disciplines sollicitent préférentiellement certains canaux. Dans les disciplines littéraires, il y a de grandes chances que la majorité des étudiants soient des « auditifs ». J’ai pu par ailleurs vérifier qu'en école d’ingénieur, la majorité des étudiants sont à dominante « visuelle ». Ne désespérez pas. Apprendre à mieux connaître votre profil pédagogique va vous permettre de traduire ce que vous transmettent vos profs dans la langue mentale qui vous correspond, voire de développer votre capacité à penser dans des langues mentales différentes.

Mais comment sait-on concrètement quel est son profil pédagogique ?  Comment cela peut-il nous aider à mieux comprendre nos difficultés d’attention ? Et comment surtout cela peut-il nous aider à renforcer nos capacités de concentration ? Les réponses à ces questions seront dans l’article : « Quel est votre profil pédagogique » ?

 

2 thoughts on “Que veut dire « être attentif » en cours ? Et pourquoi est-ce parfois si compliqué ?”

  1. bonjour,

    c'est un très bon article.

    J'aurais juste quelques questions: vous parlez de changer de profil pédagogique (cf fin de l'article), mais concrètement, comment peut-on s'y prendre pour penser "visuellement"? Cela peut-il permettre de mieux comprendre certains domaines (les mathématiques…) ?

  2. Bonjour Kevin,

    Il ne s'agit pas de changer de profil pédagogique, mais de s'adapter à la manière dont on vous transmet les informations. 

    Comment "penser visuellement" ? Je trouve votre question géniale.

    Est-ce que je dois conclure que vous êtes de profil "auditif" ? C'est-à-dire que vous avez tendance à vous redire les choses dans votre tête pour les comprendre et les mémoriser ?

    Oui, évoquer les informations sous une forme visuelle peut vous aider à progresser. Si vous êtes de profil "auditif", cela va vous demander de l'entraînement.

    Je reste à votre disposition si vousavez d'autres questions. N'hésitez pas à consulter les autres articles du blog, vous y trouverez une approfondissement de ces premières réponses.

    A bientôt,

    Hélène

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