Après une licence, une maîtrise et un master, j’ai passé trois longues années de ma vie universitaire à préparer une thèse de Sociologie.
Pourtant, une semaine avant le jour de ma soutenance, j’en étais toujours à me demander comment j’allais pouvoir me tenir devant mon jury et présenter pertinemment mon travail pendant les 20 minutes qui m’étaient allouées. Mon père allait être dans la salle, ainsi que mes amis, des collègues, des étudiants, mes enseignants et d’autres personnes que je n’avais jamais vues.
Le collège de professeurs rassemblé pour juger mon travail allait me faire face. Mon père prendrait en note chaque parole prononcée (pour m’en reparler encore et encore les années suivantes).
L’enjeu était pour moi, disons, important.
Je cherchais alors désespérément comment me préparer au mieux pour diminuer le stress lié à la peur de l’échec et au risque de décevoir.
Une collègue me dit qu’en ce qui la concernait, elle ne s’était pas posée de question : elle avait couché par écrit l’intégralité de son discours de présentation et l’avait lu consciencieusement.
J’étais loin de penser que suivre cette option était la meilleure idée : une présentation orale spontanée aurait été plus vivante et adaptée pour capter l’attention du public.
Néanmoins, ce fut tout de même celle que je retins. Pourquoi ?
Après avoir très mal dormi (le stress…), j’avais passé la matinée à faire les courses, installer le pot de thèse, organiser la salle et accueillir les personnes venues m’écouter.
J’étais impressionnée, mais je savais que je n’avais pas à me préoccuper de ce que je dirais pour commencer la soutenance. J’avais mon texte prêt.
Et je savais qu’ensuite, les membres du jury me poseraient des questions deux à trois heures durant, et qu’alors, je pourrai répondre spontanément. Surtout, je n’avais plus à me confronter à la peur de ne pas savoir comment m’y prendre : j’avais un plan d’action précis.
Les conseils que je vais vous donner ont pour objectifs de vous aider à dépasser les difficultés suivantes :
– L’angoisse de vous confronter à un contenu incompréhensible ou un exercice trop compliqué ;
– La propension à toujours remettre au lendemain du fait de ne pas avoir de plan d’action concret à mettre en œuvre ;
– L’incapacité à trouver le moindre intérêt à un contenu de cours ;
– Des révisions qui ne sont pas efficaces (vous ne parvenez pas à mémoriser les informations) ;
– Une absence de motivation (à quoi bon…).
Dans un premier temps, il faut que vous preniez conscience (mais peut-être est-ce déjà fait), de deux choses essentielles :
– La première, c’est que vous profiterez d’autant mieux de votre temps de travail que vous l’aurez préparé attentivement. Cela ne veut pas dire que cette première étape soit nécessairement très longue : vous devez surtout apprendre à vous poser les bonnes questions.
– La deuxième, c’est que dans la plupart des cas, vous ne pourrez pas TOUT comprendre tout de suite. Il faudra donc que vous laissiez du temps à votre cerveau pour qu’il enregistre les informations et les mette en relation les unes avec les autres. Cela veut dire que vous devrez apprendre à travailler « un peu » régulièrement, plutôt que « beaucoup » la veille de l’examen.
Pourquoi vous préparer ?
Durant mes premières années d’études en Sociologie, chaque professeur attirait notre attention sur « ce que nous ne savions pas » : nous n’avions jamais lu tel ouvrage incontournable, nous ne connaissions pas tel auteur fondateur et nous n’avions aucune idée du contexte de tel courant, des travaux sur tel sujet ou des avancées récentes dans tel domaine. A chaque nouveau cours, notre ignorance était soulignée. Mais j’avais à cœur de rattraper mon retard (car j’avais en effet l’impression d’être distancée avant même d’avoir débuté la course…).
J’étais déterminée. La sociologie m’intéressait et je voulais réussir mes examens. Je compilais donc dans mes notes la liste des « ouvrages à lire » : trois ou quatre à chaque cours, dix à quinze après une journée. Je les empruntais consciencieusement à la bibliothèque et j’amorçais mon travail de lecture (et de rattrapage de mes lacunes). Pourtant, aussi fraîche et dispose étais-je en commençant à lire, le livre me tombait systématiquement des mains après vingt pages. Et j’avais beau le reprendre, me motiver ou me convaincre qu’il fallait que j’en passe par là, je ne parvenais pas à m’intéresser à ce que je lisais. Si bien que même quand je parvenais, à grand peine, à achever un ouvrage, j’avais toutes les difficultés du monde à me souvenir de son contenu et à pouvoir ainsi l’exploiter.
J’ai longtemps cru que j’avais un problème de concentration. Sinon, pourquoi aurais-je eu tellement de mal à lire un livre plus de vingt minutes…
Pourtant, j’aimais lire. Je voulais réussir. Les cours m’intéressaient. Comment pouvais-je comprendre autrement ma difficulté à m’y mettre sérieusement ?
En quatrième année, les étudiants devaient définir un sujet de recherche en vue de rédiger un mémoire d’une centaine de pages. Évidemment, notre étude devait être étayée par diverses lectures théoriques. Là encore, je craignais d’être bloquée. Comment pourrais-je lire en six mois les livres qui m’avaient été conseillés, et rattraper la lecture de tous les livres que je n’avais pas su finir les trois années qui précédaient ?
Après une heure d’échanges avec le professeur qui allait me suivre, j’avais déjà une vingtaine d’ouvrages à me procurer. Je sentais l’angoisse monter en moi : il était certain que je ne pourrais pas à en venir à bout.
Il se passa cependant une chose nouvelle pour moi durant cette année-là : non seulement je lus tous les livres qui me furent suggérés, mais je m’en procurais d’autres encore. Je les lisais les uns après les autres et, chose encore plus surprenante, je m’en souvenais toujours des mois après les avoir lus. Je peux même dire avoir encore aujourd’hui une idée précise des questions que s’était posé l’auteur et de la thèse qu’il avait défendue. Sur le coup, je ne me posais pas plus de questions. Je lisais enfin avec entrain et efficacité, pourquoi chercher plus loin ?
Mais aujourd’hui, face aux étudiants en panne de motivation et confronté, comme moi je l’étais, à une fatigue insurmontable après vingt pages de théorie, j’eus à cœur d’y comprendre quelque chose. Et savez-vous ce qui avait changé pour moi au début de mon année de maîtrise ? Deux choses :
– Premièrement, je me posais une question précise (celle de mon mémoire de recherche), et je lisais livre sur livre en étant à l’affût des éléments de réponse qu’ils pourraient m’apporter ;
– Deuxièmement, je ne me souciais plus de lire parce que « on » m’avait dit de lire. J’étais soudainement curieuse de ce que l’auteur tentait de démontrer. Je me demandais ce que moi je pensais de chacun de ses arguments, de ce qui manquait et de ce qui allait m’être utile. En définitive, j’étais surtout préoccupée de ce que j’allais pouvoir réutiliser pour développer ma propre pensée.
La phase de préparation vise avant tout à vous « mettre en condition » : pour travailler efficacement, il faut que vous définissiez un objectif et un cadre précis à votre période de travail.
→ En découvrant quels sont vos « starters », vous allez être en mesure de mieux négocier « les trois pas qui vous séparent de votre bureau » (et lutter contre la flemme);
→ en planifiant votre travail, vous allez mieux gérer « l’angoisse de la montagne insurmontable » (et dépasser l’idée que vous n’arriverez jamais au bout) ;
→ et en vous posant une question simple, vous parviendrez à mieux appréhender l’ennui irrépressible qui vous submerge une fois que vous avez, enfin, réussi à vous mettre au travail (et dépasser le sentiment de ne pas être motivé ou que ça ne vous intéresse pas).
Premier conseil : découvrez quels sont vos « starters »
Dans son livre Comment ne pas tout remettre au lendemain, Bruno Koeltz définit un « starter » comme étant « un tâche préliminaire qui va favoriser le passage à l’action » ; par exemple, un rituel qui, une fois accompli, sonnera le temps de vous attabler à votre bureau pour commencer à travailler : vous servir un thé ou une tasse de café, débarrasser votre plan de travail de tout ce qui ne concerne pas la tâche à accomplir ou tout autre activité (dont vous savez limiter facilement la durée) et qui vous aidera à vous « mettre en situation ».
Attention donc à deux pièges : votre « starter » ne doit pas vous détourner de votre objectif initial (si ranger votre bureau vous prend nécessairement deux heures voire plus, changez d’idée) et il doit vraiment jouer le rôle de déclencheur (et donc diminuer le stress lié au fait de vous mettre à travailler).
Pour ma part, je sais que me mettre au travail me demande d’autant moins d’efforts que je sais exactement ce que je vais avoir à faire et que je suis rassurée sur le fait d’en être capable. Les quatre étapes de la phase de préparation que décrit Tony BUZAN dans sa méthode fonctionnelle d’apprentissage (présentation ici) peuvent tout à fait jouer le rôle de « starters » : elles sont simples, facilement réalisables et demandent peu de temps. De plus, elles vous apporteront bien plus que vous aider à mettre le pied à l’étrier.
Deuxième conseil : planifiez votre travail
Lorsque j’ai débuté mon master de Sociologie, j’étais également inscrite en deuxième année de Psychologie. Je travaillais 22h par semaine dans un restaurant pour participer au financement de mes études et je faisais partie de l’équipe universitaire de volley-ball. Mon emploi du temps était donc chargé : je travaillais au restaurant de 9h à 18h le samedi et le dimanche, ainsi que de 9h à 14h le lundi, puis je me rendais jusqu’à 19h à mes cours de socio ; j’enchaînais le mardi et le mercredi avec mes cours de psycho de 8h30 le matin à 21h le soir sans discontinuer ; j’allais à mes entraînements de volley et aux matchs le jeudi et je terminais avec mes cours de neurosciences le vendredi matin. Deux semaines avant le début de mes examens, je commençais déjà à m’inquiéter : comment allais-je pouvoir venir à bout de mes révisions ?
Voici quelle fût ma stratégie :
– Je commençais par définir toutes les périodes de travail que je savais pouvoir tenir avant l’échéance (3h le samedi soir, 2h le dimanche soir, le jeudi matin, etc.) ;
– Je passais ensuite chaque cours en revue (feuilletage rapide de tous les contenus) pour mesurer la proportion de travail que j’estimais nécessaire pour chacun d’eux ;
– Je me fixais ensuite des priorités (je n’avais plus le temps de réviser à fond chaque matière) auxquelles je décidais de consacrer plus de temps ;
– J’indiquais ensuite quels allaient être mes contenus de révision précis pour chacune des plages de travail que j’avais définies.
Grâce à ce plan d’action, j’ai pu tout d’abord diminuer mon stress :
– Le stress de ne pas savoir comment m’y prendre ni par où commencer (il est dû au fait que vous ne mesurez pas vraiment ce qui vous reste à faire) ;
– Le stress de ne pas être capable de venir à bout du travail à abattre (il est dû au fait que vous n’avez pas une idée précise du temps dont vous disposez en regard du travail que vous avez à faire) ;
– Le stress d’être incapable de réussir (il peut être dû au fait que vous êtes très exigeant(e) avec vous-même et que vous ne supportez pas de faire les choses à moitié) : il est parfois nécessaire (et apaisant) de renoncer à vouloir TOUT faire et donc de se fixer des priorités.
Ce plan d’action m’a également aidé à me mettre chaque jour à mon bureau pour travailler : je savais ce que j’avais à faire et par où commencer. Mon « starter » consistait à consulter mon agenda pour vérifier ce que j’avais prévu ce jour-là et de m’y mettre.
Mais une fois que vous êtes à votre bureau, il ne suffit pas d’avoir défini un thème de révision pour être vraiment efficace (concentré, capable de mémoriser, en mesure de comprendre et réfléchir). Il faut encore que vous vous soyez posé les bonnes questions.
Troisième conseil : posez-vous une question simple
Se poser les bonnes questions suppose tout d’abord d’avoir le bon état d’esprit face à un contenu de cours que vous souhaitez vous approprier. Beaucoup d’étudiants et de lycéens abordent leurs cours en se disant : il faut que je le connaisse pour être capable de le restituer au prof si nécessaire.
J’ai rencontré une étudiante à qui ses enseignants avaient tellement seriné qu’il fallait qu’elle apprenne ses cours pour réussir, qu’elle se faisait des kilomètres de fiches de résumés qu’elle soulignait, surlignais et affichais partout dans son appartement pour se les mettre en tête. Elle connaissait par cœur un nombre incalculable de définitions et de formules. Pourtant, elle les oubliait systématiquement au fur et à mesure que l’année passait, et elle n’obtenait pas de bons résultats à ses examens. Elle savait son cours, mais elle était incapable de l’utiliser pour trouver les réponses aux problèmes qui lui étaient posés. Pourquoi ?
Parce qu’à aucun moment, elle ne se posait la question suivante : à quoi va me servir ce que je suis en train d’apprendre ?
Si vous vous posez cette question, vous ne serez plus dans la dynamique « d’apprendre pour restituer au prof », vous aurez pour objectif d’anticiper l’usage concret de telle ou telle information : « vous apprendrez dans l’idée de réutiliser ».
Confronté à une notion, un théorème, une méthode, un concept, etc., vous vous demanderez :
– A quel type de question cette information me permettra-t-elle de répondre ?
– Quel type de problème me permettra-t-elle de résoudre ?
Ainsi, en plus de vous mettre en situation de « chercher à répondre à des questions » (ce qui favorise la compréhension), vous anticiperez d’emblée l’utilisation concrète de ce que vous serez en train d’apprendre (ce qui favorise la mémorisation). Cette démarche peut vous aider à donner du sens à ce que vous étudiez (même s’il s’agit simplement de vous mettre dans les meilleures conditions pour réussir un examen) et donc de dépasser la difficulté qui consiste à travailler beaucoup sans que cela ait d’impact positif sur vos résultats. Si vous anticiper l’usage de ce que vous apprenez, cet écueil aura beaucoup plus de chances d’être surmonté.
Pourtant, si ces 3 premiers conseils peuvent vous aider à vous mettre au travail, mes quatre conseils suivants peuvent vous aider à en tirer vraiment profit. C’est ce que je vous présente dans l’article 4 conseils pour améliorer l'efficacité de votre méthode de travail.
Je vois que Tony Buzan vous a inspiré! Je viens de le decouvrir aussi.
A quel moment de vos etudes avez vous appliqué ses methodes? sont elles réellement efficaces?
Merci pour l'article il me redonne espoir…
Bonjour,
C'est un peu l'histoire de M. Jourdain qui découvre qu'il parle en prose depuis toujours : j'ai réalisé en lisant Tony BUZAN que j'appliquais déjà un certain nombre des principes qu'il propose. Ses livres m'ont beaucoup aidé à clarifier et donner du sens à mes pratiques, tout en les précisant et les rendant plus explicites. ce sont donc aujourd'hui les étudiants auxquels j'enseigne qui en profitent.
Malheureusement, je ne l'ai découvert que depuis quelques mois… j'aurais je pense beaucoup gagné à le découvrir au début de mes études…
Je dirais que j'ai vraiment ressenti un tournant dans mes études au moment où j'ai commencé à faire de la recherche, autrement dit lors de mon année de maîtrise de sociologie (master 1). Aussi naïf que cela peut paraître, j'ai soudainement pris conscience que j'avais le droit de ne pas être d'accord avec ce que je lisais dans les livres théoriques.
Il est vrai que le système d'éducation français est organisé sur un modèle qui vise plutôt à intégrer le plus d'informations possible pour les restituer, plutôt que d'inviter l'élève ou l'étudiant à développer une pensée personnelle. Lors de mes trois premières années universitaires, les examens que j'ai eu à passer consistaient uniquement à "restituer" ce que j'avais appris (le plus souvent par coeur).
De fait, j'ai été assez déroutée, dans un premier temps, qaund j'ai dû discuter les arguments et la thèse des auteurs que j'introduisais dans mon travail de recherche. Mais j'avoue y avoir rapidement pris goût !
Et vous, pourquoi avez-vous besoin de retrouver de l'espoir ?
à bientôt,
Hélène