Le secret des procédés mnémotechniques

 
 

Vous avez besoin de mémoriser beaucoup d'informations, rapidement et de vous en souvenir sur le long terme ?

Les procédés mnémotechniques sont faits pour vous.

Je précise qu'il s'agit bien du terme MNEMOtechnique, avec un "n" entre le "m" et le "e". Je le précise parce que plusieurs étudiants m'ont (gentiment) fait remarquer que j'avais fait une faute dans mon Powerpoint lors de mon dernier cours…

Le fait est que depuis l'épisode de ma monstrueuse faute d'orthographe dans mon nom de domaine (qui est passé entre temps de donnesdusens.fr à donnezdusens.fr…), je ne me permets plus de prendre les étudiants de haut lorsqu'ils font des fautes d'orthographe au tableau.

Non pas que je les prenais vraiment de haut (je fais suffisamment de fautes d'orthographe pour que cela m'ait appris l'humilité dans ce domaine), mais il m'arrivait, disons, de m'étonner un peu trop pesamment quand ils ne connaissaient pas la définition d'un terme, le nom d'un auteur ou l'origine d'un concept…

 

1. Les procédés mnémotechniques : c'est quoi ? A quoi ça sert ?

 

Sachez donc que le terme "mnémotechnique" vient du Grec "mneso, mnesis", qui signifie la mémoire, le rappel, le souvenir, et du Grec "tekne, teknikos" qui renvoie à l'art, le métier, le savoir-faire (Source : http://georges.dolisi.free.fr/Terminologie/M/mnemo.htm).

Les procédés mnémotechniques sont donc des techniques de mémorisation des informations.

Ils vont vous permettre, comme annoncé au début de cet article, de mémoriser :

– beaucoup d'informations,

– rapidement,

– et de vous en souvenir sur le long terme.

 

2. Pourquoi les procédés mnémotechniques sont-ils efficaces ?

 

Parce qu'ils vous conduisent à exploiter les grands principes du fonctionnement de votre mémoire.

Si vous êtes étudiant, votre capacité à mémoriser des informations est constamment sollicitée.

Etes-vous satisfait de vos performances ? Pensez-vous que votre scolarité serait facilitée si vous mémorisiez plus facilement ?

Aimeriez-vous vous souvenir de ce que vous apprenez longtemps après l'avoir appris ?

Sachez que notre capacité à réfléchir et comprendre est directement en lien avec notre capacité à mémoriser. Pourquoi ? Comment ?

Une chose après l'autre…

Prenons tout d'abord le temps de mettre en évidence les grands principes du fonctionnement de la mémoire que les procédés mnémotechniques permettent d’exploiter :

  1. Notre mémoire des images et des lieux est naturellement prodigieuse
  2. Notre "mémoire de travail" est limitée, pas notre mémoire à long terme
  3. Notre mémoire est non linéaire et associative
  4. Donner du sens aux informations favorise leur mémorisation

 

3. Notre mémoire des images et des lieux est naturellement prodigieuse

 

En 1970, une expérience connue sous le nom de "test de reconnaissance des doubles photographiques" fut menée à grande échelle aux Etats-Unis.

Les sujets durent dans un premier temps visionner 10 000 images, une chaque demi-seconde, ce qui prit pas moins d'une semaine entière.

Par la suite, il leur fut demandé, parmi toute une série de couples de photographies, de différencier celles qui faisaient parties des 10 000 images de celles qu'ils n'avaient jamais vues.

Et malgré le fait qu'il n'avait visionné chaque image qu'une seule fois, ils se sont révélés capables de se souvenir de plus de 80% d’entre elles. 

Les sujets étaient comme vous et moi. Ils n'avaient aucunement été sélectionnés et faisaient partie du tout-venant. 

Comment comprendre ce phénomène ?

Tout simplement : quelque part dans votre esprit, il y a une trace de tout ce que vous avez jamais vu. 

Certaines informations se révèlent en effet plus "mémorables" que d'autres. 

Lesquelles ?

Les images et les lieux. 

 

Notre souvenir des lieux rassemblent en effet des informations qui sollicitent tous nos sens : l'odorat, l'ouïe, le toucher, la vue et parfois le goût.

Fermez les yeux quelques instants et faites revenir à votre esprit le dernier endroit où vous êtes parti en vacances :

Une semaine en Bretagne : il pleuvait (désolée pour le cliché), vous vous êtes arrêté dans une crêperie en bordure de plage ; vous sentez encore le caramel au beurre salé dans votre bouche et l'odeur des embruns ; les vagues s'éclataient sur la dune…

Un week-end à Florence en Italie : les conversations en italien à chaque coin de rue, Il Duomo qui vous submerge au détour d'une ruelle, un lever de soleil magnifique qui domine la ville, une glace à  la pistache comme vous n'en aviez jamais mangé…

Ok, je pense que vous avez deviné qu'en ce qui me concerne, la mémoire gustative occupe une place centrale.

Mais vous, comment s'inscrit le souvenir des lieux dans votre mémoire ? 

Qu'est-ce qui vous revient en premier ? Les odeurs ? Les couleurs ? Le soleil sur votre peau ? Le froid qui vous mord le visage ? Le chant des cigales ou des oiseaux ? 

 

Bref, que vous soyez d'un profil pédagogique visuel, auditif ou kinesthésique, votre mémoire des images et des lieux est excellente.

C'est le premier principe à retenir concernant le fonctionnement de votre mémoire.

 

4. Notre "mémoire de travail" est limitée, pas notre mémoire à long terme

 

Une personne qui n'utilise pas de moyen mnémotechnique pour mémoriser retient les informations en se les répétant, encore et encore, grâce à la "boucle phonologique" (= cette petite voix intérieure que nous entendons quand nous nous parlons à nous-mêmes). 

Or, un psychologue de Harvard nommé George Miller a publié en 1956 les résultats d'une recherche qui montre que nous ne pouvons pas avoir plus de 7 choses simultanément à l'esprit (plus ou moins 2 éléments).

Cette "capacité" correspond à notre mémoire de travail.

Or, si notre mémoire de travail est limitée, notre capacité à stocker des informations dans notre mémoire à long terme est quasiment illimitée.

 

Un psychologue hollandais du nom de Willem Wahenaar a ainsi réalisé l'expérience suivante : pendant 6 années, il a consigné chaque jour dans un carnet les deux ou trois événements importants de sa journée.

Puis, sans avoir jamais relu ses notes, il a commencé après 6 ans à se tester : il reprenait le compte-rendu d'une journée au hasard et tentait de faire revenir le souvenir des éléments notifiés.

Il réalisa alors qu'il parvenait à se souvenir de plus de 80% des événements, mais que 20% d'entre eux semblaient "perdus".

Il eut alors l'idée de solliciter les personnes de son entourage, afin de s'enquérir auprès d'elles des événements dont il ne parvenait pas à se souvenir.

C'est ainsi qu’il découvrit que quelques « indices évocateurs » suffisaient à faire revenir de nouveaux fragments des souvenirs qu'il pensait avoir perdus. 

 

Il semble donc que nous gardons une trace mnésique de tous les événements auxquels nous avons accordé une attention consciente.

Vous voulez vous souvenir ? Soyez certain que les capacités de stockage de votre mémoire sont immenses.

 

5. Notre mémoire est non linéaire et associative

 

L'expérience de Willem Wahenaar montre une autre chose étonnante : la mémoire fonctionne par associations successives et de manière non linéaire.

 

Il suffit effectivement d'un simple « indice » pour que les informations reviennent spontanément à notre esprit, même quand nous pensons a priori les avoir oubliées.

On peut dire que ces indices opèrent comme des "crochets": lorsque l'un est tiré, une ribambelle d’informations accrochées les unes aux autres reviennent progressivement.

 

Au début de cette année, j’ai animé un cours à destination de mes étudiants sur la méthode fonctionnelle d’apprentissage de Tony Buzan.

Je leur ai présenté la démarche dans le cadre d’une présentation Powerpoint et leur ai fait faire un exercice pour qu’ils s’approprient la méthode.

Je pensais alors naïvement que le fait de les avoir fait expérimenter serait suffisant pour les amener à retenir la a démarche.

Vous n’imaginez pas alors ma déception quand ils avaient tout oublié trois semaines plus tard…

« Mon cours était donc si inintéressant ? » leur ai-je demandé.

« Ce n’est pas ça » m’ont-ils répondu penauds.

En fait, ils avaient apprécié le contenu, m’avaient écouté avec intérêt, mais n’avaient pas envisagé de réutiliser ensuite ce que je leur avais dit.

Un peu déroutée, j’ai ressorti mon Powerpoint et l’ai fait re-défiler sous leurs yeux.

« Ah oui ! » se sont-ils exclamés. « On se souvient maintenant ».

En revoyant les images et les mots-clés (les « indices évocateurs » ou « crochets »), comme pour Willem Wahenaar en son temps, d’autres fragments de souvenirs leur sont revenus.

Par associations successives, sans linéarité aucune, les étudiants m’ont alors refait l’exposé que je leur avais proposé la fois d’avant.

Cet exposé était cependant incomplet et pour certains imprécis, alors qu’il était impeccable pour d’autres.

Pourquoi ?

Ceux qui avaient le meilleur souvenir de la méthode étaient les étudiants qui avaient envisagé de la réutiliser en même temps que je la leur présentais.

Ceux-là avaient accordé une attention particulière à mes propos et avaient du coup eu la volonté consciente de s’en souvenir.

Quoiqu’il arrive, nos souvenirs nous reviennent par le biais d’images, de mots et de concepts-clés. Ceux-ci opèrent ensuite comme des « crochets » ou des « indices » qui nous amènent, de manière associative, à re-trouver les informations que nous avons en mémoire.

Les idées et informations principales, celles qui nous ont le plus marqué, reviennent en premier ; les détails reviennent ensuite.

Pourtant, ne vous est-il jamais arrivé de mémoriser (et donc de vous souvenir) d’informations organisées, dont vous étiez capable de rendre compte de manière structurée, en annonçant un plan, une logique…et donc une linéarité ?

Si c’est le cas, c’est que vous aviez dû « ranger » vos souvenirs avant ou pendant que vous les mémorisiez.

C’est d’ailleurs ce que vous faites lorsque vous mémorisez un cours :

  • Plus les informations sont triées, organisées et structurées dans votre tête, plus vous vous en souvenez clairement et précisément.
  • Lorsque vous faites un effort pour retrouver les informations stockées, c’est l’ensemble de votre « système de rangement » qui vous revient en mémoire, et non un simple « élément évocateur », à partir duquel vous allez avoir plus ou moins de mal à faire revenir l’ensemble.

Ce fameux processus de « structuration » des informations joue un rôle essentiel concernant notre capacité à mémoriser, car plus nous donnons de sens aux informations, plus celles-ci sont mémorisées de manière précise, complète et pour longtemps.

 

6. Donner du sens aux informations favorise leur mémorisation

 

Chaque information « stockée » joue le rôle de lien pour en accrocher d’autres.

Ainsi, plus nous avons d’informations en mémoire (et plus nous avons donc de « crochets » disponibles), plus il devient facile d’en mémoriser de nouvelles.

Par contre, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des « catégories » que nous construisons pour ranger et structurer ce que nous mémorisons (je vous renvoie à cet article où je présente les notions d’assimilation et d’accommodation selon Jean Piaget).

Par exemple, je risque de rencontrer quelques difficultés si j’essaie de mémoriser directement cette liste (sans utiliser de procédé mnémotechnique) :

Cheval, concombre, savon, girafe, scie, marteau, tomate, fée, carotte, éléphant.

Par contre, si je repère que nous avons trois animaux, trois légumes, deux outils, plus deux éléments à part, il est probable que je m’en sorte mieux.

Ce processus correspond à l’agrégation de plusieurs éléments entre eux. Ce sont alors ces éléments agrégés que l’on mémorise. Ils fonctionnent comme des « catégories-clés » ou des « crochets », qui nous permettent ensuite, par association, de retrouver tout le contenu.

 

Les procédés mnémotechniques ne font qu’exploiter (mais particulièrement bien !) les grands principes de la mémoire que je viens de présenter :

  1. Une mémoire des images et des lieux naturellement prodigieuse
  2. Une mémoire « à long terme » quasi illimitée
  3. Une mémoire de travail limitée (la fameuse magie du chiffre 7) qui pousse à aggréger les informations entre elles

Les Grecs de l'Antiquité ont mis en lumière "les associations, les images et les lieux" comme étant les grands principes sur lesquels s'appuyer pour mémoriser de la manière la plus efficace.

J'ajouterais pour ma part la signification et les catégories.

 

Vous pouvez retrouver sur ce site (voir la liste des articles) la présentation des 6 procédés mnémotechniques suivants (je vous explique leur fonctionnement, vous donne des exemples concrets d’application et discute de leur intérêt et de leurs limites dans le cadre de l’apprentissage) :

  1. Le « palais de mémoire » (ou méthode des loci ou méthode des lieux)
  2. Le code chiffres-sons (ou Grand système ou table de rappel)
  3. Le système PAO
  4. Les méthodes pour mémoriser les noms associés aux visages
  5. Les flash-cards
  6. Les Mind maps (ou cartes mentales ou schémas heuristiques ou topogrammes)

 

 

One thought on “Le secret des procédés mnémotechniques”

  1. Bonjouf Hélène. 

    Tout d'abord, chapeau bas pour la leçon d'humilité ( le passage […] "m''étonner un peu trop pesamment"). Je ne pense pas connaître beaucoup d'enseignants capables de faire publiquement amende honorable à ce point-là. Cela t'honore.

    Un autre passage a particulièrement retenu mon attention :

    […] Ceux qui avaient le meilleur souvenir de la méthode étaient les étudiants qui avaient envisagé de la réutiliser en même temps que je la leur présentais.

    Je viens de comprendre pourquoi ( contrairement à toutes les personnes qui déclarent volontiers "Je ne retiens pas les blagues"), j'ai pour ma part tendance à les retenir toutes… 

    Étant donné que j'adore les raconter, il suffit que quelqu'un se mette à raconter une blague que je trouve drôle pour avoir envie de m'en souvenir. Et du coup cela marche impeccable : je fais partie de ces gens qui entendent souvent "…mais comment fais-tu pour les retenir toutes ?". En fait, cela ne me demande absolument aucun effort ! Et grâce à toi, je viens de comprendre pourquoi !

     

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