Les cancres n’existent pas

 
 

Pourquoi accordons-nous tant d’importance à la réussite scolaire ? Les mauvais résultats sont-ils nécessairement le fait d’un manque d’intelligence ?  Perdre le goût d’apprendre (ou ne l’avoir jamais eu) est-il condamnable ou irrécupérable ?

Prendre sur soi et se forcer à travailler n’est pas forcément la solution lorsque l’on se retrouve confronté à des difficultés d’apprentissage.

Les étudiants que je rencontre n’ont pour la plupart jamais eu de difficulté à l’école avant leur première année d’études supérieures. Cela ne veut pas dire qu’ils étaient les meilleurs, ni qu’ils aimaient apprendre. Ils n’ont simplement jamais eu à se poser de question concernant l’intérêt qu’ils portaient à la chose scolaire, ni trouver d’occasion d’investir un projet qui les passionnait véritablement.

Ils se sont laissés porter, d’une classe à l’autre, d’une année à la suivante, sans être particulièrement motivés…mais sans que cela soit un problème.

La première année d’université a été pour eux l’occasion de « découvrir » ce que cela voulait dire d’être en « échec scolaire » : ne pas comprendre en cours, être incapable de réaliser les exercices imposés, être sermonnés par les enseignants et accusés de ne « pas faire d’effort », « de ne pas être assez motivés », « de ne pas travailler suffisamment ».

Et la question est bien là : ont-ils finalement l’envie de s’investir dans le projet d’apprendre qu’on leur propose ? Ou plutôt, qu’on leur impose…

Maintenant que cela s’avère « difficile », que la réussite est conditionnée à une mise au travail effective et qu’une attention approximative ne suffit plus à obtenir « le minimum », ils se trouvent comme invectivés à s’approprier leur désir d’apprendre. Ils savent sinon être condamnés à devoir supporter un échec annoncé.

Quel est le sens des efforts qu’on leur demande de fournir ?

Les enseignants, leurs parents, la société toute entière semblent convaincus de l’impérieuse nécessité de « réussir à l’école » pour « réussir sa vie ».

Et si nous prenions le temps de comprendre ce que « l’échec », « la flemme », « l’incapacité à s’y mettre » ou « le dégoût d’apprendre » veulent dire ?

Quel sens cela a pour vous de « faire des études », de choisir une filière, de vous confronter à des difficultés scolaires ?

 

10 thoughts on “Les cancres n’existent pas”

  1. Superbe article ! Le thème me touche particulièrement  🙂 J'ai passé un BAC S, et suis actuellement en IUT Informatique, et l'on peut dire que je suis en échec…
     
    Je crois que la pire erreur que commet actuellement le système est ce que tu évoques à propos des reproches des enseignants:
     
    " être sermonnés par les enseignants et accusés de ne « pas faire d’effort », « de ne pas être assez motivés », « de ne pas travailler suffisamment » "
     
    Malheureusement, certains prof' ne savent faire que des remontrances, qui nous font davantage culpabiliser. Au lieu de comprendre ce qui a pu nous amener à ne pas agir correctement, ils constatent, puis jugent; rarement ils proposent une aide (proposer une méthode de travail, parler de leur expérience d'élève simplement, apporter un soutien…).
     
    Ce que je trouve dommage, c'est la relation élève-enseignant: je trouve qu'il y a bien souvent une relation trop distante entre l'élève et l'enseignant. L'enseignant est humain avant d'être une fonction, tout comme l'élève. Or je crois que chacun y gagnerait si les relations étaient moins hierarchisées, mais tout simplement plus humaines… Avec un "enseignant-coach", en quelque sorte.
     
    J'ai l'impression que les enseignants perdent le sens de l'empathie envers leur élève. Ils sont passés par là, ont peut-être aussi connu des difficultés, et pourtant, ils font comme si de rien n'était: au lieu de transmettre leur savoir, j'ai l'impression qu'ils le montre. Alors que paradoxalement, je crois qu'ils veulent que leurs élèves réussissent car c'est leur honorable mission.
     
    A travers ce commentaire, je ne veux pas viser les prof' en particulier, mais plutôt le système dans lequel ils sont, et qui fait ce qu'ils sont. D'ailleurs, je ne prétends pas donner de leçons, je ne suis qu'un simple étudiant qui se pose des questions à propos d'un système qui me semble largement perfectible.
     
    En tout cas, merci Hélène pour ce moment de réflexion ! 🙂
    Nivek

    1. Bonjour Nivek,

      J’apprécie beaucoup votre analyse qui interroge le « système » avant de s’en prendre aux personnes.
      Effectivement, on peut également se poser la question du côté des enseignants : comment se joue pour eux la question de la « réussite » ?
      Il faut repérer que pour un enseignant, la qualité de son travail se mesure à l’aune de différents facteurs : le calme dans sa classe et l’ambiance studieuse, les commentaires des étudiants le concernant…mais également et surtout le taux de réussite de « ses » étudiants. Parfois, une moyenne de classe inférieure à 10/20 renvoie une image de prof sévère et exigent. Mais à l’université, sachez que les enseignants sont également soumis à une pression institutionnelle (la présidence de l’université, le ministère…) qui impose des « chiffres de réussite ». Lorsqu’un enseignant se retrouve avec un taux de réussite médiocre à « son » UV, il est soupçonné de mal faire son travail…
      L’échec scolaire dans les premières années d’université est un problème politique, qui a des répercussions sociales nombreuses (par exemple, une arrivée « prématurée » sur le marché du travail…et donc un chômage des jeunes…).

      Néanmoins, mon approche ici se veut plus proche des étudiants eux-mêmes, et des difficultés qu’ils rencontrent dès lors qu’ils se retrouvent en situation d’échec : l’échec scolaire, dans une société qui accorde tellement d’importance à la réussite individuelle et qui met le « travail » et les « études » au cœur de se qui permet d’évaluer les gens, devient le critère à partir duquel on s’autorise à juger personnellement les autres.

      « Dis-moi quelles études tu suis et quelles notes tu as et je te dirai qui tu es »

      Je m’oppose fermement à cette dictature des chiffres, qui exclue sur des bases morales (c’est bien ou mal) là où il s’agit en réalité de phénomènes sociaux et d’enjeux politiques.

      A bientôt,
      Hélène Weber

      1. Merci pour votre réponse, Hélène 🙂
        C'est vrai que c'est finalement ce que vous évoquez:
        « Dis-moi quelles études tu suis et quelles notes tu as et je te dirai qui tu es »
        Et c'est vraiment dommage…
        A bientôt !
        Nivek
         
         
         

  2. Si en France les enseignants sont comme ça pour la plus part c'est certainement parce que ils ont appris à avoir ce comportement dans leurs cours de pédagogie pour enseigner à des jeunes.
    Moi même j'ai de sale souvenir avec certains de mes profs (Anglais, Français, Math)

    1. Bonjour, oui je pense que c’est un peu l’histoire du chien qui se mort la queue, les élèves sont frustrés et éduqués d’une certaines manière durant près de 20 ans d’études par des enseignants, fatalement, ils appliquent les mêmes méthodes involontairement ou non sur leur élèves. Je pense qu’il faudrait introduire des cours de management et de leadership pour vraiment leur montrer comment motiver et encourager leur élèves.
      Si des enseignants passe par la, voici un guide détaillé sur le fonctionnement de la motivation : http://charismedeveloppement.fr/motiver-une-equipe/
      Bonne continuations

  3. Bonjour Saloua,

    C'est une excellente question !

    Pour ma part, je pense qu'il y a de nombreuses réponses :

    – La motivation : le projet professionnel et le projet de formation ont-ils été pensés ?

    – L'organisation de l'institution scolaire : comment les étudiants sont-ils accompagnés ?

    – La bien-être physique et psychologique

    – La pédagogie des enseignants : quelle est la démarche employée pour aider les étudiants à progresser ?

    Je trouve que d'une manière générale, nous avons trop tendance à faire porter à l'étudiant et à lui seul la responsabilité de ses difficultés.

    Par contre, une approche éducative ou pédagogique adaptée (pour moi) ne vise pas à déresponsabiliser l'étudiant pour autant. J'ai tendance à être d'autant plus exigeance avec un étudiant que j'aurais mis beaucoup d'énergie à accompagner. Mais en respectant son rythme, ses doutes, ses avancées et ses reculs.

    Lorsqu'un étudiant est insolent, ne travaille pas suffisamment, ne comprend pas, est déprimé, discute chacune de mes propositions ou même me remet en question…j'essaye toujours de comprendre pourquoi. Et je dois dire que je ne suis jamais déçue.

     

    A bientôt,

    Hélène

  4. Bonjour !

    Je trouve votre article très intéressant et comme pour Nivek cela me touche également à la différence près que j'ai été très tôt en échec scolaire.
    Je suis tout à fait d'accord que la plupart des gens jugent volontairement ou involontairement les capacités et le sérieux d'une personne en regardant son nombre de diplômes voir même le type de diplôme ce qui pour mon cas de non diplômé ( je n'ai même pas le brevet des collèges, c'est pour vous dire) j'ai un réel sentiment de frustration, de honte et malgré le fait que certaines personnes tout à fait sensé me tiennent le discours "même les diplômés se retrouve sans travail" j'ai un vrai sentiment d'échec aussi bien personnel que professionnel. Enfin je ne vais pas vous faire faire mon historique ce serait bien trop long mais tout cela pour vous dire que je suis encore une fois complètement d'accord avec votre article et avec le fait que les enseignants n'ont pas tous le mauvais rôle., il y a des bons comme des mauvais ! Malgré mon parcours scolaire, je peux affirmer que j'ai rencontré des enseignants impliqué qui ont su malgré tout me donner envie de croire en mes capacités même si ce fut de courte durée.

    Par contre mes excuses pour d'eventuelles fautes d'orthographe, j'ai éssayé au maximum de me corriger.

    1. Bonjour Yann,

      Vous avez de réelles qualités d’écriture.

      Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage. L’école classique sélectionne essentiellement les élèves sur leurs capacités linguistiques et logiques. Or, les compétences humaines (qui permettent de réussir sa vie) sont bien plus nombreuses et variées.

      J’espère que vous avez pu trouver votre voie malgré tout.

      A bientôt,

      Hélène

      1. Bonjour,

        Tout d'abord merci à vous pour ce compliment, cela me motive à continuer mes efforts pour m'améliorer dans mon écriture. 

        J'espère sincerement que le système scolaire évoluera dans une direction qui met en avant les qualités humaines comme vous le disiez bien que je pense que le souci soit plus complexe qu'un simple pas en avant (mais cela reste un sujet dont je ne maîtrise pas toutes les ficelles donc mon avis n'est pas définitif) . 

        Je suis dans une période creuse mais j'ai des objectifs et je m'y tien donc je pense pouvoir dire d'une certaine manière que j'ai trouvé ma voie.

        Encore merci est bonne suite à vous !

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