Lorsque votre dossier a été accepté dans une école d'ingénieur plutôt sélective, que vous êtes sûr de votre projet professionnel, mais que vous êtes recalé à la plupart des UV dès la fin du premier semestre, alors la réponse est "oui" : vous avez absolument besoin de progresser pour réaliser votre projet…et donc être heureux.
C'était du moins l'avis de Pierre, que j'ai rencontré récemment :
"J'ai toujours eu de bons résultats jusqu'à présent : premier de ma classe en Terminale S, une mention au bac, des félicitations de la part de mes profs.
Je suis un élève sérieux.
Je travaille régulièrement. Je fais des fiches de révision. Je m'entraîne à refaire tous mes exercices avant l'examen, jusqu'à les maîtriser parfaitement.
Je travaille même en groupe. Et je suis souvent celui qui peut expliquer aux autres quand ils n'ont pas compris.
Depuis le dernier semestre, pour la première fois de ma vie, je suis en échec.
Mais je n'ai pas loupé une, deux, ni même trois UV. Je les ai toutes loupées. TOUTES.
Les profs sont convaincus que je ne travaille pas assez. Mes amis ne comprennent pas d'où vient le problème vu que je suis tout le temps à la bibliothèque en train de bosser. Et mes parents ne croient plus en moi.
Ils sont déçus, pensent que je n'ai pas "ce qu'il faut" pour réussir dans cette école.
Je suis pourtant super motivé. Je sais que je veux être ingénieur, mais j'en viens à penser que je n'ai tout simplement pas le niveau.
J'ai recommencé à m'y mettre à fond dès le début du second semestre.
J'ai fait tout ce que j'ai pu pour prouver à tout le monde et surtout à moi-même que j'avais fait le bon choix en venant ici.
Mes notes n'ont pourtant jamais été catastrophiques. J'ai toujours eu plus de 8 dans toutes les matières.
Mais cela n'a pas été suffisant pour avoir ne serait-ce qu'une seule UV.
Finalement, je me dis que je ne dois pas être assez intelligent pour ces études-là.
J'ai vraiment tout fait pour progresser et ça n'a pas marché…"
J'ai rencontré cet étudiant dans le cadre d'un entretien individuel afin de mieux comprendre avec lui d'où pouvait venir le problème.
Malgré tous ses efforts, comment se faisait-il qu'il ne progresse pas ?
Nous pouvions mettre d'emblée de côté les explications liées à la motivation, à un projet professionnel qui n'aurait pas été suffisamment abouti ou à un travail insuffisant.
Je lui ai alors demandé comment il travaillait concrètement, et voici ce que nous avons pu mettre en évidence ensemble :
- Ses fiches correspondent à des résumés du cours : sélection des formules, des définitions et des démonstrations qu'il pense devoir mémoriser.
- Ses révisions portent essentiellement sur la maîtrise des exercices de TD : il les refait encore et encore jusqu'à en comprendre la correction et être capable de les refaire sans problème.
- Les échecs subis au court du premier semestre l'ont progressivement convaincu qu'il ne "pourrait" pas réaliser son projet professionnel par la voie d'une école en cinq ans comme il le pensait…le chemin à parcouri lui paraît trop ardu, incertain et finalement décourageant.
Comment en effet "donner le meilleur" quand l'entourage semble convaincu que vous n'arriverez à rien ?
Je vous propose de vous présenter le diagnotic et l'analyse auxquels nous avons abouti ensemble à la fin de notre échange.
1. L'importance de l'enjeu conduit à s'enfermer dans ses habitudes
Vous continuez à faire comme vous avez toujours fait, même si vous savez que cela ne vous mène nulle part.
Une mise au point : jusqu'en Terminale, vous pouvez être considéré comme un excellent élève en "mémorisant sans comprendre".
Comment ?
Comme Pierre, vous refaites un même exercice plusieurs fois jusqu'à en maîtriser parfaitement la logique de résolution.
Pourtant, quand vous êtes devant votre copie d'examen, vous êtes systématiquement bloqué dès les premières questions.
Impossible de faire le lien entre ce que vous avez appris (et mémorisé) et les problèmes qui vous sont posés.
Le fait est que vous avez toujours travaillé de la même manière et que cela a toujours porté ses fruits jusque-là. Pourquoi changer une méthode qui marche ?
Vous accentuez donc vos efforts pour progresser, en utilisant vos bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves : les fiches, l'apprentissage du cours par coeur et la résolution de vos exercices-types.
Cela ne marche toujours pas ?
Mes premiers cours au début de l'année dernière portaient sur différentes techniques de travail : les Mind maps, la méthode fonctionnelle d'apprentissage de Tony Buzan, l'approche de La Garanderie pour mieux réfléchir, comprendre et mémoriser.
Evidemment, ces différentes démarches, pour être appréhendées, demandaient aux étudiants de se remettre fondamentalement en question.
Car même si l'on vous dit ici ou ailleurs que faire des Mind maps, il n'y a rien de plus facile, je trouve qu'il s'agit tout de même de s'accrocher et réfléchir pour que l'outil vous permette de réellement booster l'efficacité de votre méthode de travail.
Comme tout outil que l'on découvre, il faut un certain temps pour en maîtriser la technique et exploiter au mieux ses potentialités.
Une étudiante m'a ainsi un jour fait remarquer : "Madame, ok, c'est bien sympa tout ce que vous nous présentez, mais nous on n'a pas de temps à perdre. Moi ma méthode, elle est peut-être un peu bordélique, mais je sais qu'au moins je m'y retrouve et que je la maîtrise".
Or, la première chose indispensable à accepter lorsque l'on a le projet de progresser, quel que soit le domaine, c'est de prendre des risques.
Vous allez vous aventurer sur un terrain que vous ne connaissez pas, que vous ne maîtrisez pas et qui (parce que c'est également une possibilité) ne vous conviendra peut-être pas au bout du compte.
Car si "progresser", c'est "aller de l'avant", la route n'est pas nécessairement tracée, ni tranquille. Vous pouvez souffrir des détours ou des retours en arrière, et parfois faire du surplace.
2. Si vous n'aviez qu'une seule chose à retenir, ce serait celle-ci…
S'il est parfaitement possible de mémoriser sans comprendre, et obtenir par ce biais d'excellents réusltats jusqu'en Terminale, cela risque de ne plus suffire dans le cadre de vos études supérieures.
Je suis prudente en affirmant cela.
Il y a encore un certain nombre de cours dans le cadre desquels "restituer au prof ce que vous pensez qu'il attend" vous permettra de valider vos examens.
Mais dans certains cours (et de plus en plus), cela restera vain.
Et pourtant, vous serez persuadé d'avoir mis toutes les chances de votre côté pour progresser :
– vous aurez travaillé davantage,
– vous aurez fait plus de fiches de révision,
– vous aurez appris vos cours par coeur avec acharnement.
Vous aurez ainsi progressé dans votre capacité à travailler plus dur, plus longtemps et en vous concentrant sur vos objectifs…mais cela n'aura pas eu d'incidence sur vos résultats.
Car c'est la démarche d'apprentissage elle-même qui ne va pas.
Pierre a à coeur de faire des efforts, mais il passe à côté du problème qui permet de comprendre où se situe sa difficulté.
Quel est ce problème ?
Il mémorise et applique des méthodes au lieu de comprendre la démarche qui est derrière.
Quand il refait ses exercices, il mémorise la correction dans le contexte de cet exercice-là, mais il ne maîtrise pas réellement les notions sur lesquelles s'appuie la réponse.
L'année dernière, j'ai organisé des séances de révision avec des groupes d'étudiants. Je demandais à quatre d'entre eux de venir au tableau. Je choisissais un exercice au hasard parmi ceux qu'ils avaient fait en TD, et je leur demandais de répondre aux questions les unes après les autres puis de comparer leurs réponses.
Première question. Ils écrivent tous exactement la même phrase au tableau : "oui, parce que la fonction est continue et dérivable par morceaux".
Ils se reculent, très fiers d'avoir trouvé la réponse, et me regardent avec une pointe de défi dans les yeux.
Moi : "et ça veut dire quoi ?"
Eux (soupirant) : "mais c'est la bonne réponse madame".
Evidemment, n'y connaissant rien en maths, ils pensent pouvoir me coïncer.
Alors j'insiste : "d'accord, mais ça veut dire quoi ?"
Eux : "écoutez, tous les exercices de cette série commencent par la même question, le prof nous a dit que c'était ça la réponse, et nous on sait que si on met ça, on a les points".
Ils avaient mémorisé sans comprendre (ce que nous faisons tous régulièrement pour "gagner du temps").
Le problème, c'est que si la notion sur laquelle repose cette réponse est requise dans le cadre d'un autre exercice, avec une question posée différemment, ils ne seront pas capables de faire le lien.
Dès l'instant où l'on applique une "recette" ou que l'on plaque une "réponse-type" sans comprendre d'où ça sort, on demeure prisonnier du contexte dans lequel la question est posée.
On vous pose un problème très proche ou similaire : pas de problème, vous savez faire.
On vous pose un problème nouveau mais qui demande de maîtriser les même notions : vous ne savez plus faire.
Conclusion : ne vous trompez pas d'objectif
Dans cette situation, Pierre a nécessairement progressé dans de nombreux domaines. Il a amélioré ses capacités de mémorisation, de concentration et de travail.
Pourtant, cela ne lui a pas permis de se rapprocher de son objectif tant qu'il n'a pas pris le risque de se remettre vraiment en question, et d'accepter de prendre le temps de voir les choses autrement.
Lorsque les cours s'enchaînent, que les examens approchent et que l'on a l'impression de perdre pied, les solutions "clés en main" sont alléchantes.
On préfère le connu, le maîtrisé et le sûr.
Il arrive pourtant que cela ne nous permette pas d'aller là où nous voulons.
Parfois, cela coûte de progresser vers son objectif. Mais je pense pour ma part que le chemin parcouru a autant d'intérêt que l'objectif atteint.
Bonsoir Hélène,
Ce qui est formidable avec cette croisée des blogs, c'est qu'avec une question de départ, on se retrouve avec des tas d'articles totalement différents.
L'époque des examents est révolue pour moi , par contre, tout ce qui est relatif au stress est applicable à tous les domaines de la vie.
Il est vrai que lorsqu'on a l'habitude d'être "bon élève", on se sent très déstabilisé lorsqu'on ne maîtrise plus ses études. On a l'impression que quelque chose qu'on avait si solidement bâti s'effondre, parfois la seule chose qu'on a pu bâtir… J'exagère un peu, mais bon… C'est pour cela que l'on est tenté de s'enfermer dans ses habitudes. Au fond, on sait que les méthodes qu'on a toujours appliquées ne sont plus aussi efficaces, ( et que les raisons qui nous poussaient à travailler sont devenues obsolètes ) mais on s'y attache, pour se donner l'illusion de maîtriser la situation. On se dit qu'il s'agit simplement de travailler davantage, d'y passer plus de temps… eh non… Il faut se remettre en question. Certes. Mais une remise en question objective.
Bonjour Saloua,
Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage.
Ce que vous dites m’amène à penser (encore plus) que les étudiants n’ont pas simplement besoin de « bonnes méthodes », mais également que l’on comprenne vraiment pourquoi ils ont des difficultés à renoncer aux leurs même si elles ne sont pas (ou plus) efficaces.
Lorsque l’on doit s’adapter encore et encore (nouvelle école, nouvelle ville, nouveaux amis, nouvelles modalités d’enseignement…), on a vraiment besoin de s’arrimer à ce que l’on connaît.
Je suis en train de refondre tout mon contenu de cours à destination des étudiants pour l’année prochaine (en fonction des retours et du bilan de ceux de cette année), et vos apports m’aident beaucoup.
merci,
Hélène
Bonjour Hélène,
Je suis très attirée par les mind-maps, à titre personnel et aussi pour apprendre cette méthode, basée sur l'autonomie de réfléxion, à mes enfants. Il parraît qu'en Finlande cette prise de note et de participation active est déjà intégrée dans l'éducation en école primaire et secondaire. A quand une vulgarisation de cette méthode pour nos enfants dès le plus jeune âge en France?
"Le chemin parcouru a autant de valeur que l'objectif à atteindre" et être capable de trouver ce chemin est primordial pour pouvoir être autonome et libre, donc à mon avis, heureux.
@bientôt Sinje
Bonjour Sinje,
J'ai découvert les Mind maps il n'y a pas si longtemps et je trouve effectivement que c'est un outil particulièrement intéressant pour apprendre, penser, mémoriser et créer.
Il convient cependant beaucoup mieux aux visuels qui ont déjà des capacités d'organisation de leurs connaissances, qu'aux personnes au profil auditif ou kinesthésique.
Certains enseignants sensibilisés à cette approche l'utilisent déjà dans leurs enseignements en primaire ou au collège. Vous pourrez je pense sans problème trouver de multiples exemples en faisant quelques recherches sur internet.
à bientôt,
Hélène
Bonjour Hélène,
Je découvre votre blog grâce au festival de la croisée des blogs, et c'est passionant. Je m'intéresse depuis très longtemps à la pédagogie et je trouve que la PNL aide à mieux comprendre certaines choses. J'ai l'impression qu'en France, on a un gros retard : comment expliquer que tant de gosses ne savent pas lire et écrire en 6ème ?
En tant qu'étudiant, j'allais aux examens comme à une fête, et je réussissais sans vraiment comprendre mes processus d'apprentissage. Peut-être n'était-ce que de la mémorisation. Certaines fois, j'avais l'impression de n'avoir rien compris et je me retrouvais avec la meilleure note. Mystère.
Bonjour Jean,
Je trouve votre témoignage génial.
Je dois dire que j'étais également un peu dans votre cas : j'aimais aller à l'école et je m'en sortais plutôt pas mal.
Le fait est que nous devions intégrer sans même nous en apercevoir ce qui était attendu de nous et répondre un peu instinctivement à la demande de nos profs.
C'est en général lorsque l'on rencontre ses premières difficultés que l'on se demande : mais pourquoi je n'y arrive pas ? Et qu'est-ce que font les autres pour que cela marche pour eux ?
C'est finalement tout ce travail "pédagogique" de déconstruction des difficultés rencontrées par mes étudiants, et d'analyse des démarches d'apprentissage qui fonctionnent le mieux dans un contexte donné, qui m'a progressivement permis de découvrir toutes ces "techniques et méthodes" qui, si elles sont bien transmises, font gagner un temps précieux aux étudiants pour s'adapter.
à bientôt,
Hélène
Bonjour hélène,
Gare aux habitudes, en effet! En tant que coach professionnel c'est sans doute l'un des aspects sur lesquels nous devons être vigilants afin d'aider nos clients à atteindre leurs objectifs de façon réfléchie et consciente. J'adhère totalement à l'idée que le chemin et la destination sont d'égale importance.
Bien amicalement.
Bonjour Jean-Marc,
Je vous remercie pour votre commentaire.
Par contre, je ne me reconnais pas dans l'appellation de "coach".
Pour moi, le coach détermine avec son "client" quel est son problème et définit avec lui une stratégie pour le faire disparaître. D'une séance à l'autre, des actions, exercices et démarches sont proposées pour "lacher prise", "renforcer l'estime de soi" ou "diminuer son stress dans une situation donnée".
En tant que psychologue, ma référence principale est la psychanalyse. Il ne s'agit pas alors de "s'attaquer au symptôme" pour le faire disparaître, mais avant tout de comprendre le sens qu'il a dans l'histoire du sujet.
Par exemple, si une mère m'amène son fils en me disant qu'il est insuportable à la maison et ne respecte pas ce qu'elle lui dit, je ne vais pas m'attacher à lui donner des conseils pour qu'elle "éduque mieux" son fils. Je vais lui poser des questions, ainsi qu'à son fils, pour que nous essayons de comprendre ensemble le sens des tensions qui sont au coeur de leur relation.
Il s'agit de rencontrer entièrement la personne, de faire connaissance, de découvrir ensemble ce qui est important pour elle, ses conflits, ses contradictions, des doutes.
C'est de cette rencontre que naît progressivement une envie de penser son histoire, les relations avec son entourage ou les choix que l'on fait.
Bien souvent, une personne qui vient rencontrer un psy (ou même un coach) en disant "je veux être plus comme cela, moins comme ceci, etc.", découvre progressivement que sa difficulté est ailleurs…
Au plaisir d'échanger à nouveau avec vous,
Hélène
Purée je suis étudiant à l'université, et tout ce vous avez écris s'applique sur moi, Je suis arrivé jusqu'en terminal avec la méthode que vou avez si bien décrit, mais hélas pour moi à l'université la "méthode qui marche" ne fonctionne plus, il faut que j'apprenne à compendre mes cours, pas à apprendre bêtement des centaines d'exercices en travaillant pendant des heures et des heuress voire des journées entières…
J'avais un ami qui était excellent, car lui il n'apprenez pas par coeur les cours mais il lui suffisait simplement de comprendre, pour pouvoir résoudre n'importe quel excercice qui traîte du thème du cour.
Je vous remercie pour votre blog, contiuez sur cette voie !
Bonjour,
Je vous remercie beaucoup pour tous les commentaires encourageants que vous me déposez sur ce blog.
Il n’y a plus qu’à appliquer tout ce que vous avez découvert et compris pour progresser et réaliser vos projets.
A bientôt,
Hélène