Toutes les « bonnes » raisons de ne pas être attentif en cours

 
 

Dans le cadre d'un questionnaire que j'ai fait passer à 250 étudiants de première année en école d'ingénieur, à la question "quel serait pour vous le métier idéal", plus de 80% ont répondu : "un travail qui nous plairait tellement qu'on n'aurait pas l'impression de travailler". Rapporté à l’enseignement, un « bon cours » serait donc celui où l’on n’aurait pas besoin de faire d’effort pour s’intéresser au contenu : vous y seriez attentif sans vous poser de question, sans contrainte, voire en y prenant du plaisir.

Les problèmes d’inattention ne sont pas une réalité quelles que soient les circonstances. Vous savez parfaitement rester attentif dans bon nombre de situations qui le requièrent : quand vous regardez un film, que vous jouez à un jeu vidéo, voire même en cours quand le sujet vous intéresse et/ou que l’enseignant parvient à vous captiver. Pourquoi alors n’êtes-vous pas capable de généraliser ce savoir-faire à tous les domaines qui le nécessiteraient?

Peut-être, tout d’abord, parce que vous n’avez pas conscience du « geste mental » que vous effectuez quand vous « êtes attentif ». Car concrètement, que fait-on pour maintenir son attention ? Peut-être également ne voyez-vous pas l’intérêt qu’il y aurait à être attentif en cours (les raisons de ne pas écouter sont même nombreuses…). Peut-être enfin n’avez-vous pas idée des « techniques » qui vous permettraient d’améliorer vos compétences en matière d’attention et de concentration.

Pourquoi ne pas  « être attentif » en cours  ?

Quelles que soient les compétences de l’enseignant, il demeure toujours un intérêt irréductible à être attentif à ce qu’il raconte. Cet intérêt, c’est celui de « gagner du temps ». Ce principe s’applique également au problème de savoir s’il est simplement nécessaire « d’aller » en cours. Car le doute est également permis dans ce domaine.

Mais commençons par nous intéresser à toutes les raisons légitimes (plus ou moins, à vous de juger) d’être inattentif en cours (voire de ne pas y aller du tout) :

 

1)     La flemme : vous avez fait la fête la veille, vous êtes épuisé, maintenir votre attention vous demanderait un effort trop important ou impliquerait de renoncer à des distractions plus attrayantes…

En deuxième année de Licence, j’avais un cours d’Histoire médiévale à 8h le matin. Je devais par ailleurs passer 45 minutes dans le métro et 15 minutes à marcher pour me rendre à la fac. J’étais alors persuadée qu’il était dans mon intérêt d’être présente à TOUS les cours pour réussir mon année. J’avais également choisi mon orientation et le contenu m’intéressait sincèrement. Pourtant, il m’arrivait régulièrement de me motiver suffisamment pour me lever, me préparer, prendre le métro pour me rendre en cours…et m’endormir lamentablement sur la table pendant les 55 minutes de cours…

Je restais néanmoins persuadée du bénéfice que j’aurais eu à maintenir mon attention. Je redoublais donc d’effort et de self-motivation chaque matin pour m’arracher de mon lit. Au bout de quelques semaines et de quelques heures passées à dormir en amphi (voire en TD), il m’est même arrivé de me lever, de me doucher, de m’habiller, de prendre le métro, et après deux stations, de réaliser que j’allais à coup sûr de nouveau m’endormir en cours, et donc de reprendre le métro en sens inverse pour retourner me coucher. Ce qui nous conduit à évoquer la deuxième raison pour laquelle vous ne parvenez pas à être attentif en cours :

2)     La fatigue : vous n’êtes pas physiquement en état de suivre. Là encore, la vie étudiante offre un tel panel de distractions, aussi alléchantes les unes que les autres, que l’on ne saurait vous blâmer a priori d’en profiter, surtout en première année, où le début des études supérieures s’accompagne souvent de nouveaux espaces de liberté à explorer (pour ceux en particulier qui habitent seuls pour la première fois). Un cours et un prof passionnants ne pourront rien contre la fatigue d’un étudiant. La meilleure volonté du monde non plus ! Si vous avez vraiment besoin de dormir, vous le ferez en cours autant que dans votre lit. Je me souviens d’un étudiant qui ne s’était pas levé pour aller passer un examen après avoir révisé la moitié de sa nuit, et d’un autre qui ne parvenait plus à lire les énoncés tellement sa vue se brouillait. Les deux avaient pourtant (même si c’était dans l’urgence) passé un temps substantiel à se préparer pour réussir.

 

3)     Ce n’est pas le bon moment : le lundi vous avez des nouvelles du week-end à partager avec vos amis, à 11h vous avez faim, le vendredi vous devez préparer votre week-end, le jour d’un examen vous devez réviser un autre cours, en hiver il fait trop froid, trop chaud en été, quand vous êtes amoureux vous n’avez pas la tête au cours, quand vous avez des problèmes personnels non plus, etc., etc., etc. Mais admettons que parfois, entre 15h (après le temps de sieste post-repas) et 16h30 (après c’est trop tard), vous soyez disponible pour être attentif, d’autres facteurs peuvent encore troubler votre concentration.

 

4)     Vous n’y comprenez rien : voici un autre élément décisif à prendre en compte pour mieux appréhender vos difficultés d’attention. Si vous avez l’impression que le prof vous parle une langue inconnue, il y a de grandes chances pour qu’assez rapidement, vous perdiez le fil de ce qu’il vous raconte. L’inattention en cours fonctionne ensuite comme un engrenage dont découlent les effets suivants :

Le cours débute tranquillement, par des rappels que le plus souvent vous maîtrisez à peu près. Mais à peu près seulement, et c’est là que les problèmes commencent. Car vous ne voyez pas l’intérêt d’approfondir un sujet que vous pensez avoir globalement déjà assimilé. Vous préparez approximativement les exercices ou les lectures demandés pour la séance de travaux dirigés qui suit.

C’est vrai, cela servirait à quoi de tout faire dans les moindres détails alors que le prof va vous proposer la « bonne » correction, vous laissez parfois du temps « pour chercher » pendant la séance et revenir sur les détails du cours que vous n’avez pas encore compris. Progressivement, vous abandonnez même l’idée de vraiment préparer vos TD avant de vous y rendre. Vous verrez bien sur place, cela vous fait gagner du temps pour « profiter de la vie » et il y a tout de même peu de chance que vous soyez interrogé (du moins, vous avez vite repéré quels étaient les TD où il valait mieux avoir préparé et ceux où cela s’avérait « superflu »).

Cependant, vous réalisez également qu’un TD non préparé est moins efficace et plus barbant. Vous attendez en général que le prof ait fini de copier sa correction au tableau pour la prendre en note : vous reverrez tout cela chez vous.

Seulement, vous arrivez au cours suivant avec des lacunes : les détails non compris se sont accumulés, vous n’avez pas pris le temps de revoir le contenu du TD (vous verrez ça avant l’examen…) et ce ne sont plus quelques détails que vous ne comprenez plus quand le prof avance dans le cours, c’est plutôt 40%, puis 60%, et enfin la majorité du contenu. Moins vous comprenez le cours, plus il s’avère compliqué de vous attaquer aux exercices de TD et plus votre travail en retard s’accumule. Mais « ce n’est pas grave », vous vous y mettrez réellement avant les partiels, qui sont pour le moment encore lointains.

Le fait est que moins vous comprenez, plus le temps passé en cours devient contraignant. Qui pourrait vous reprocher de ne pas suivre alors que le cours est incompréhensible et les exercices infaisables ? C’est alors que l’échéance des examens se rapproche. Et vous ne voulez pas échouer.

Vous prenez donc à cœur de rattraper votre retard et de vous attaquer à vos révisions, le plus souvent la semaine, voire le week-end qui précèdent. Et là vous réalisez, au pied du mur, que vous aviez quelque peu sous-estimé l’ampleur de la tâche. Le retard que vous avez pris paraît insurmontable. Vous ne baissez pas les bras pour autant. Et puis, progressivement, avec obstination et en passant une partie de vos nuits à réviser, vous parvenez à remettre le pied à l’étrier, vous commencez à comprendre ce qui vous avait paru confus au premier abord (ou lors du premier cours).

Comprendre vous encourage à persévérer. Vous diriez même que vous commencez à y prendre plaisir. Et c’est là que vous prenez conscience qu’il vous aurait fallu beaucoup plus de temps pour vraiment maîtriser le contenu du cours, et que sûrement cela aurait été faisable si vous vous y étiez mis un peu plus tôt.

L’examen arrive et vous n’êtes pas serein. Les informations n’ont pas eu le temps de décanter dans votre esprit. Vous vous en sortez plus ou moins bien et vous réalisez en échangeant avec d’autres étudiants qu’il ne vous aurait pas fallu tant de temps supplémentaire pour être vraiment au point. On ne vous y reprendra plus. Cette fois-ci, vous avez la ferme intention de travailler régulièrement et d’être attentif en cours. Mais pas d’emblée, il vous faut tout de même récupérer de vos nuits blanches et de ces longues heures passées à bachoter. Et puis, le début du nouveau cours comprend surtout des rappels que vous maîtrisez plus ou moins…

C’est ce que j’appelle le travail « en montagne russe » : vous travaillez beaucoup (pour une efficacité limitée), puis plus du tout (parce qu’on ne peut pas travailler tout le temps quand même !), etc. Mais voyons pour finir le triptyque des raisons les plus fréquemment invoquées pour justifier une attention défaillante : « je m’ennuie », « c’est le prof qui est nul » et « de toute façon, le cours ne sert à rien ».

 

5)     Le contenu du cours ne vous intéresse pas : comment lutter contre l’ennui ? Pourquoi devriez-vous faire l’effort de vous intéresser à un sujet dont vous savez d’ailleurs pertinemment qu’il n’intéresse personne ? Vous l’avez même vérifié auprès de vos camarades, du moins les quatre ou cinq dont vous êtes proche. En cherchant bien, vous pouvez citer 15 raisons complémentaires qui viendraient justifier votre inattention. Quand ce n’est pas intéressant, on zappe, point final.

 

6)     Le professeur est ennuyeux : pourquoi ne serait-ce qu’à nous de faire des efforts ? Le prof ne pourrait-il pas lui aussi avoir à cœur de rendre son cours intéressant ? Comment être attentif face à un enseignant qui lit ses notes (ou son diaporama) assis derrière son bureau, qui ne regarde pas les étudiants, qui ne fait qu’écrire au tableau, qui ne s’intéresse pas de savoir si les étudiants suivent ou comprennent…

Après trois années d’études supérieures en Lettres, Histoire et Science Politique, je me suis enfin inscrite dans la discipline qui m’intéressait vraiment : la psychologie. Mon premier cours de l’année avait lieu dans un immense amphi surchargé de l’Université Paris VII, parmi plus de 250 étudiants inscrits comme moi au cours « d’introduction à la psychanalyse ». Le prof était assis derrière son bureau sur l’estrade et n’en bougeait pas. Il parlait d’une voix monocorde et commençait toujours par fumer une cigarette avant de commencer son cours, devant l’énorme panneau « interdiction de fumer » qui se trouvait à côté du tableau.

Il se trouve que le souvenir que je garde de ce cours est le silence mêlé d’abnégation qui était observé par l’ensemble des étudiants pendant ce cours. Nous écoutions avec avidité et prenions des notes. Il n’y avait pas d’interaction entre le prof et nous, pas de diaporama pour soutenir notre attention, pas de talent particulier d’orateur chez notre professeur. Le simple fait de découvrir comment Freud avait inventé la psychanalyse suffisait à nous maintenir en éveil. Je n’en dirais pas autant des cours de neurosciences, de psychométrie ou de statistiques. Comme quoi le charisme d’un prof ne vient pas nécessairement de ses talents d’orateur. Mais nous reviendrons sur ce point.

 

7)     Le contenu du cours ne sert à rien : vous jugez que le cours est inutile pour le métier auquel vous vous destinez, qu’il est trop simple pour vous ou simplement inutile pour avoir votre UV à la fin du semestre.

Autrement dit, soit vous ne faites pas le lien entre l’enseignement et l’usage concret que vous pourrez en faire dans le cadre professionnel, soit ce que vous propose l’enseignant comme contenu de cours et comme explication ne vous permettront pas de répondre aux exigences des examens, soit votre niveau est supérieur aux exigences minimales de l’UV (c’était souvent le cas en première année d’école d’ingénieur pour les étudiants ayant déjà fait une année de classe préparatoire, même si ce n’était pas pour autant un gage de réussite à l’UV).

Dernière possibilité : le cours est bien en lien avec ce qui sera attendu de vous à l’examen, mais vous estimez que ce que le prof apporte est dérisoire. Vous aurez plus vite fait de travailler par vous-même en lisant le polycopié de cours, un bouquin ou en cherchant par vous-même les informations sur Internet.

Lorsque j’étais en Licence de Science Politique, j’avais un cours « d’histoire de la sociologie » avec un prof qui avait écrit un livre en format poche intitulé « histoire de la sociologie ». Nous avions évidemment tous acheté son livre que nous ouvrions au chapitre choisi à chaque cours. Ce que nous exposait l’enseignant était si proche de ce qui était écrit (au mot près !), que nous pensions tous que nous irions aussi vite en travaillant tout seul chez nous. Le cours s’est donc rapidement vidé de ses étudiants.

Je vous avoue n’avoir pas jeté un œil au bouquin avant la semaine qui a précédé les examens. Quand je m’y suis mise, le contenu m’a paru si rébarbatif que j’ai eu beaucoup de mal à l’assimiler. Tant et si bien que je n’ai pas eu la moyenne à l’UV ce semestre-là.

Quels sont ceux (et je sais qu’il y en a, même si je n’en fais pas partie) qui parviennent à se motiver pour travailler par eux-mêmes, sans à aucun moment avoir le support du cours en direct pour se motiver, mieux comprendre ou s’imposer un rythme de travail ? A ceux-là je tire mon chapeau, même si je sais d’expérience qu’ils ne sont pas les plus nombreux. Donc pour tous les autres, voyons maintenant ce qu’être attentif en cours veut dire et ce que cela peut vous apporter : pourquoi "vouloir" être attentif en cours ?

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